Il advient rapidement que le charme du petit monde de Guiraudie nous emporte, riant à chaque nouvelle trouvaille du réalisateur (un téléphone portatif qu’on branche à peu près n’importe où, un rock retentissant soudain dans une auberge, des épées pliables) et nous délectant d’un lexique inventé pour le film. Nous passons avec plaisir les portes d’une diction limpide et d’un vocabulaire mêlant noms imaginaires et références à JFK , et de cet anti-naturalisme des dialogues naît une attention particulière au fond, au débat, à la parole échangée.
En plus d’être un autoportrait du réalisateur en pleine crise de la quarantaine, s’interrogeant sur l’amour et le désir, le film est une ode au débat et à la parole libérée. Réinjectant des problèmes sociaux (encore bien prégnants en 2009) entre bergers oppressés, guerriers faisant figure de représentants syndicaux et propriétaires enfermés dans leurs grands châteaux, Guiraudie croit en un laboratoire de discussions capable d’améliorer une situation de crise. On parle souvent de son cinéma comme d’un cinéma « de l’utopie »… Bien au contraire, il dit constater les impasses de la réalité en matière de progrès social, et le cinéma reste pour lui le seul champ de liberté où mettre en action une idée de la démocratie, loin de l’idéalisme (voir les figures des terroristes dans le film). Rien d’utopique là-dedans, juste un désir de cinéaste de mêler ce qui occupe le monde et ce qui le préoccupe lui, dans un univers aussi personnel qu’inventif, ce qui est assez rare pour être signalé.
Car la grande force du film est d’entrecroiser les errements sentimentaux du personnage principal avec sa conscience politique, et finalement d’observer combien désir pur et nécessité en amour valent aussi dans les actes politiques.
Supplément DVD :
Pas grand-chose à se mettre sous la dent, hormis une interview assez courte du réalisateur, néanmoins très intéressante.