Issu de la publicité et du clip, le cinéaste Gore Verbinski n’a certes pas toujours fait les meilleurs choix de carrière (The Mexican, Pirates des Caraïbes 2 et 3, La Machine à explorer le Temps, qu’il a co-réalisé sans être crédité au générique), mais on oublie que c’est également le réalisateur doué et imaginatif de La Souris (1997), superbe hommage aux cartoons de la Warner (à commencer par Tom & Jerry) se déroulant dans un univers baroque et stylisé.
On évoquera par ailleurs le premier volet des Pirates des Caraïbes, divertissement tout à fait honorable, ou encore The Weather Man, comédie existentielle avec Nicolas Cage passée inaperçue. Après Tim Burton, Zack Snyder et George Miller, le réalisateur se frotte désormais à son tour au film d’animation en signant Rango, qui s’avère être jusque-ici l’une des meilleures surprises de l’année 2011.
Quelque part aux Etats-Unis, Rango, un caméléon en pleine crise d’identité (auquel Johnny Depp prête sa voix), se retrouve abandonné au milieu d’un vaste désert, en proie à la nature hostile. Il rencontrera une série de personnages dont « Beans », un lézard qui l’emmène dans une ville poussiéreuse répondant au nom de Dirt city…
Scénarisé par John Logan (Aviator, Sweeney Todd, Gladiator), Rango se présente comme étant officiellement le premier film d’animation d’ILM (Industrial Light and Magic, la société à effets spéciaux de George Lucas). Tourné avec une technique rudimentaire de motion capture où les comédiens sont mis en scène et filmés dans un studio afin d’avoir une référence visuelle du jeu des acteurs, Rango est un film d’animation pour tout âge, réellement inventif et original.
Véhiculant un message écologique (tout comme le Happy Feet de George Miller , avec lequel plusieurs parallèles pourraient être établis) ainsi qu’un sous-texte sur les maux qui gangrènent notre société moderne (la religion, l’argent et la corruption…), on citera avant tout l’idée matrice du film, à savoir une histoire existentielle sur la quête de soi à travers le point de vue d’un caméléon. À partir de ce postulat original découlent une succession de séquences aussi oniriques que jouissives ainsi qu’une pléthore de personnages farfelus faisant référence à de nombreux films et influences visuelles.
Parmi eux, on compte bien évidemment le mouvement pictural surréaliste (Dali, Magritte…) mais aussi les films de Sergio leone (et plus globalement les western Spaghetti), Las Vegas Parano (carrément cité au début du film), Apocalypse Now ou encore Dead Man de Jim Jarmusch. Aux gags « slapstick » se greffe un humour plus adulte, mature et référencé, parfaitement adapté à l’univers du film et à ses personnages, le rendant surtout d’autant plus accessible.
Au niveau des qualités artistiques et techniques du film, on louera ici la mise en scène de Gore Verbinski, virtuose et extrêmement maîtrisée, le réalisateur semblant prendre un très grand plaisir à reproduire une esthétique aux confluents de la BD ou du « graphic novel » et du western italien. Parmi les séquences particulièrement frappantes, on retiendra celle de la traversée de l’autoroute, l’ouverture du film, où le personnage se retrouve éjecté du coffre d’une voiture, son arrivée dans le saloon ainsi qu’une course-poursuite impressionnante dans un canyon, aux trois-quarts du métrage.
À ce titre, mentionnons la présence de Roger Deakins (directeur photo des films des frères Coen) en tant que consultant visuel pour la lumière, contribuant largement à sa beauté visuelle influencée par divers westerns. Sans oublier la partition musicale tout à fait réjouissante de Hans Zimmer, qui lui fait référence de manière amusée à Ennio Morricone, Aaron Copland mais aussi au Beau Danube bleu pour conclure avec La Chevauchée des Walkyries, qu’il refaçonne à sa propre sauce (avec des banjos et guitares électriques). Un casting en or vient agrémenter le tout, regroupant Johnny Depp (loin de son jack Sparrow, enfin !), Ned Beatty, Bill Nighy, Ray Winstone et Timothy Olyphant, qui interprète la voix de l’esprit du far-west, effectuant au passage une imitation parfaite de Clint Eastwood.
A la fois frais et inventif, très satisfaisant, Rango n’a absolument rien à envier aux films de Pixar (par ailleurs assez différents en termes de ton et d’univers). Rien que le fait de ne pas avoir à visionner le film en 3D est un bonheur et l’on peut désormais prédire en toute confiance que Gore Verbinski, manifestement lassé par les pirates, devrait se consacrer à des projets aussi stimulants que ce Rango.
Bonus
On appréciera la présence d’une version longue nous gratifiant d’un humour un brin plus osé et adulte ainsi que d’un commentaire audio bien fourni par Gore Verbinski lui-même, mais aussi les concepteurs, animateurs et directeurs artistiques ayant travaillés sur le film. Point de making of en revanche, chose qu’il faudra visionner sur le blu-ray.