DVD « Chronique d’Anna Magdalena Bach »

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Nouvelle édition du « Bachfilm » en DVD.

Les Éditions Montparnasse proposent une nouvelle édition de Chronique d’Anna Magdalena Bach (1967), particulièrement soignée, dans un coffret regroupant cette fois les cinq versions du film (française, anglaise, allemande, italienne, néerlandaise). Celle-ci présente de nombreux documents (un livre comprenant un texte de Straub, des entretiens avec des collaborateurs du film, un documentaire) permettant d’en comprendre la genèse. Belle occasion de redécouvrir ce fondamental de l’art des Straub, aux antipodes des préoccupations esthétiques du biopic traditionnel.

Pas de « sommets », pour reprendre le mot de Straub, dans le déroulé du film, ni de tentation naturaliste (« Tout le monde sait que Bach est mort depuis longtemps, et je n’ai pas l’intention d’essayer de donner l’illusion que j’ai réveillé Bach de la mort. »), les enjeux se trouvent ailleurs. Dans la création d’un corps filmique naissant presque miraculeusement de la juxtaposition de touches déposées par Straub. Un corps vivant qui rend sensible l’existence même de Bach dans la musique, dans la silhouette et la voix de Gustav Leonhardt, dans les documents lus ou présentés à la caméra, et qui n’existe que dans la cristallisation de ces éléments. Un corps qui nous dit aussi quelque chose de la vie du musicien Bach, et, ainsi que le disait Straub, de celle du musicien Leonhardt.

Oui, mais qui nous dit quoi ? L’exigence est une première clé pour répondre. La répétition en est une autre. Il y a tout d’abord l’exigence de l’exactitude quant à l’authenticité des éléments « d’époque » mobilisées pour le film : costumes, perruques, décors… Les instruments baroques, bien évidemment. L’authenticité y est gage d’un délestage des artifices, engagement vers l’épure. Elle est trace d’un mouvement qui rejoint l’exigence de l’exécution des morceaux de musique au moment du filmage et de leur enregistrement en prise de son directe. Elle impose une direction, un tracé, une ligne, où se superposent le fil d’une vie et celui d’une pratique. C’est cela que le film imprime, lui qui ne manque pas de montrer son personnage aux prises avec les mesquins de son temps. La répétition se laisse deviner derrière le travail du film, en même temps qu’elle transparaît dans la succession d’égales tragédies (annonce de la mort en bas âge d’enfants du couple Bach) et d’obstacles, de combats, ordonnés par le récit. Il y a les rivalités, les manipulations, le besoin d’argent, celui d’imposer son art (ces deux derniers étant indissociables). Très vite se forme l’idée que la répétition va à l’encontre de quelque chose, participe de la construction d’un corps spécifique : la musique, le film, chacun porteur d’une voix qui lui est propre. Il faut voir, dans le documentaire Signalement de Jean-Marie Straub (Henk de By, 1967) accompagnant le film, Gustav Leonhardt répondre à Straub qu’il ne fait pas exprès de dire sa réplique de manière naturaliste (le faire vrai étalant toute sa fausseté dans le plan), véritable cheval de bataille du cinéaste. La répétition attache l’art à la vie, l’enracinant dans une pratique. Pédagogue, le film en démontre les vertus. Elle permet d’affiner une voix, de lui donner un timbre particulier.
 
 


Chronique d’Anna Magdalena Bach
de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet – Coffret 2 DVD édité par les Éditions Montparnasse – Disponible depuis le 19 décembre 2012.

Titre original : Chronik der Anna Magdalena Bach

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Durée : 92 mn


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