DVD : 2 films de Cristian Mungiu

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En attendant un prochain Coin du cinéphile revenant sur la pleine santé du cinéma roumain, focus sur Cristian Mungiu, grand cinéaste partageur.

Palme d’or surprenante mais légitime de 2007, 4 mois, 3 semaines, 2 jours – second long métrage de Cristian Mungiu, jeune cinéaste roumain jusqu’ici inconnu au bataillon – fut à l’époque la confirmation de la pleine santé d’un cinéma jusqu’ici peu médiatisé, après des films aussi saisissants que La Mort de Dante Lazarescu de Cristi Puiu (2005). Quelque chose dans ces films ramène, par un sens rare du cadrage et de la durée, l’extrême précision de leur écriture, aux fondamentaux de la mise en scène, un pur désir d’installer de longues séquences tout en brossant au passage, par l’intermédiaire d’un personnage d’élection, le portrait de tout un pays, une société entière. Défendre un film roumain n’a plus tellement valeur aujourd’hui de positionnement radical, tant une poignée de films sortis durant ces cinq dernières années sont parvenus à en faire, en droite ligne de l’Allemagne, l’Argentine ou encore la Corée du Sud, dont nous avons récemment parlé, rien moins que le territoire cinématographique émergent du moment. De cette santé, il sera question très prochainement en ces lieux, par le biais d’un Coin du cinéphile revenant sur les films ayant su imposer enfin ce cinéma à l’échelle internationale.

 


Acte I : Beau Geste

 

Parmi eux, évidemment ce 4 mois, 3 semaines, 2 jours, dont pour le coup nous nous permettrons de différer l’analyse approfondie, à l’heure de cette sortie DVD dans la collection « 2 films de » des éditions Why Not. Tout juste peut-on confirmer que quatre ans après sa découverte, ce film préserve une densité unique, un réel pouvoir de fascination à hauteur de quotidien, l’aventure de ces deux jeunes femmes organisant clandestinement l’avortement de l’une d’elles en pleine ère Ceausescu captivant de bout en bout par le choix du cinéaste d’une constante frontalité n’interdisant pas la pudeur. Sens inné de la dramaturgie étant une explication parmi d’autres de l’engouement du jury dirigé par Stephen Frears, mais pas seulement. L’accompagne ici le premier volet des Contes de l’Âge d’or (2009), film à sketchs coproduit par le même Mungiu, qui en partage néanmoins la signature avec quatre autres cinéastes. L’argument est connu : réunir en six segments des fictions inspirées de légendes urbaines ayant circulé durant les noires années Ceausescu, ironiquement qualifiées d’« Âge d’or » de la nation.

Acte II : Courants d’Air
 
 
Si les sketchs sont inégaux (préférence personnelle pour les trois derniers, davantage centrés sur l’installation d’un monde, une action, une situation à peu près plausible que le seul épanouissement de la satyre), il faut au moins reconnaître à cet ensemble une belle dynamique, chaque micro-fiction parvenant à imposer sa propre durée, une tonalité singulière laissant distinguer à chaque fois la patte d’un cinéaste. Soit une bénéfique échappée à l’uniformisation. Œuvre certes collective, « communiste » si l’on veut, Les Contes de l’Âge d’or est un tout dont chaque composante suit une musique propre, parvenant ainsi, pour le meilleur et le moins bon, à s’émanciper d’une perspective globalisante laissant d’ordinaire circonspect face à ce type de projet (Paris je t’aime et cie). Cette sortie DVD est donc, en même temps que la redécouverte d’un grand film se suffisant à lui-même (4 mois…), l’occasion d’une malicieuse tentative d’identification du style de Mungiu parmi ses contemporains.

Bonus

La Fille au dindon, un court métrage de Mungiu, justement (logique : partage ou pas, c’est quand même son nom que porte ce coffret), réalisé en 2009. On y découvre chez le cinéaste, au-delà du sens du détail et la virtuosité dans l’établissement de petits faits vrais qui le caractérisent désormais, une ouverture inattendue au flottement et à la poésie, laissant augurer pour la suite quelques jolis chemins de traverse.

DVD France Inter / Why Not Productions, collection « 2 films de »

 


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