Disgrace

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Steve Jacobs livre avec « Disgrace » une réflexion puissante et complexe sur les multiples visages du désir et les compromis qu’il suppose dans l’Afrique du Sud post-Apartheid.

David Lurie (John Malkovich) enseigne la poésie à l’Université du Cap, en Afrique du Sud. Il aime les femmes et il est prêt à tout pour assouvir son désir d’elles. Jusqu’à s’engager dans une relation malsaine avec l’une de ses élèves qui lui vaut d’être démissionné de son poste. Il s’exile alors dans la campagne sud-africaine chez sa fille Lucy (Jessica Haines), petite exploitante agricole qui partage ses terres avec un associé noir sud-africain, Petrus (Eriq Ebouaney). Leur agression et le viol de sa fille par des jeunes noirs dans cette Afrique du Sud post-Apartheid va obliger David à remettre en question son rapport aux femmes.

Adapté du Booker Price 1999, Disgrâce de l’écrivain sud-africain J. M. Coetzee, prix Nobel de littérature 2003, le long métrage de Steve Jacobs est une réflexion complexe sur le désir sous toutes ses formes – désir sexuel, convoitise ou aspiration légitime -, avec en toile de fond la difficulté pour les Noirs et les Blancs de cohabiter en hommes égaux après l’Apartheid. Désir de posséder une femme ou sa propre terre, ou encore de demeurer chez soi sont respectivement incarnés par David, Petrus et Lucy. Jacobs pose une seule et même question pendant tout le film : jusqu’où peut-on aller pour assouvir ses désirs ? La construction scénaristique de Disgrace explore plusieurs possibilités. Le réalisateur australien met ainsi un point d’interrogation à chaque séquence tout en fournissant les informations nécessaires pour la décrypter et se faire une opinion. Le libre arbitre du spectateur est roi. Steve Jacobs se contentant juste d’exposer les faits. A chacun donc d’apprécier l’attitude du professeur Lurie, à la fois prisonnier de sa sexualité, père attentif et homme de préjugés. Les repères sont aussi flous quand il s’agit de comprendre l’attachement de Lucy à cette ferme isolée et l’attitude pour le moins ambigüe de Petrus.

Seule certitude : Petrus et Lucy ont la ferme intention de s’adapter à cette nouvelle Afrique du Sud et les états d’âme du professeur Lurie ne risquent pas de les détourner de leurs objectifs. Comme l’intrigue, le jeu des acteurs est tout aussi subtil. Si les motivations de chaque personnage sont relativement explicites, elles ne suffisent pas pour autant à permettre de le cerner. John Malkovich jette le trouble comme il sait si bien le faire, aidé par un Steve Jacobs qui entretient le flou en permanence. Le terreau est favorable à l’analyse et à la réflexion. Disgrace jouit de cette qualité que l’on aime en littérature : pouvoir lire entre les lignes.

Titre original : Disgrace

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Durée : 119 mn


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