D´Elles pour parler du roi Lui sur Grand écran

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« La Domination masculine » est le titre du documentaire du cinéaste Patric Jean qui sort dans les salles françaises ce mercredi. L´occasion de se pencher sur la façon  dont est traité le stéréotype du mâle dominant et sa relation avec la gent féminine. « Docteur T & les femmes », « Ce que veulent les femmes » et « The Women » en proposent trois échantillons.

Trois films dont l’intitulé annonce la couleur, aussi bien dans la version originale que française. Il est effectivement question de femmes dans Docteur T & les femmes (Dr. T and the Women), Ce que veulent les femmes (What women want)  ou encore The Women. Bien qu’elles soient numériquement plus importantes, elles ne constituent par pour autant le sujet principal de ces longs métrages. Au centre de ces fictions, chaque fois, un homme qui fait la pluie et le beau temps dans son monde… de femmes.

Docteur T & les femmes
de Robert Altman, sorti en France en janvier 2001, se consacre au docteur Sullivan Travis, alias "Dr. T" (Richard Gere). Il est le chouchou de ces dames dans la haute bourgeoisie de Dallas. Le gynécologue est prisé et, par conséquent, débordé. Ses femmes – clientes, collaboratrices et celles de sa vie – sont prêtes à tout pour attirer son attention. Le golf, rare loisir, devient peu à peu un exutoire pour le praticien, d’autant plus qu’il rencontre, pour une fois, une femme qui n’attend rien de lui : Bree, professeure de golf. Il sera d’ailleurs séduit. Dans Docteur T & les femmes, Altman décrit, avec beaucoup de sarcasme, et un brin de misogynie ces dernières se pâmant pour avoir les honneurs du roi de la basse-cour. Le cabinet du gynécologue se trouve réduit à un repère pour poules de luxe caquetantes qui se défendent becs et ongles pour passer quelques minutes avec leur cher Dr. Travis. Le réalisateur américain filme magistralement jacassements et manigances, notamment durant une scène où une des patientes est victime d’un croche-pied. Le brouhaha des conversations et le plan, qui se fait de plus en plus large pour montrer ce qui se trame dans la salle d’attente, concourent à imprégner durablement l’imaginaire du spectateur.

                                                                                                         

Le foyer du médecin n’échappe pas non plus au chaos. L’homme, fort, qui pourvoit à tout, a fini par rendre sa femme malade. Les médecins ont diagnostiqué chez elle une forme de dépression qui provoque un retour à l’enfance. La relation du "Dr. T" avec Bree, incarnée par Helen Hunt, est un souffle d’air frais dans cette vie de mâle qui lui convenait très bien jusqu’ici. Son désappointement croît proportionnellement à son attraction pour cette femme différente de ses congénères et qui refuse de rentrer dans le moule de celles qu’il a eues l’habitude de côtoyer. Les héroïnes féminines d’Altman, à l’exception de Bree, alimentent le comportement du charmant gynécologue qui finit par se lasser d’elles toutes. Déçu des femmes, la nature va l’en libérer symboliquement en lui permettant de donner naissance à un homme. Le salut donc ne peut venir que par le biais de ses pairs. Autrement, la solution se trouve dans un monde d’hommes. Selon Altman, si certaines femmes résistent, elles sont néanmoins en majorité responsables de la préséance de l’homme dans leur vie. En cela, il corrobore l’une des thèses développées par Patric Jean dans son documentaire La Domination masculine, au cinéma ce mercredi. Les femmes sont complices de l’ascendant que les hommes prennent sur elles en se prêtant au jeu de la soumission de par leurs attitudes. A cause de leur éducation ?

Dans le récent The Women de Diane English (juin 2009), remake du film de George Cukor de 1939, la domination masculine s’interprète comme le produit d’une éducation qui donne la primauté à l’homme, notamment au sein de son ménage. Le phénomène est d’ailleurs porté à son paroxysme puisque même absent, l’homme pèse sur le quotidien de sa moitié et en reste, semble-t-il, le point focal. Stephen Haines, le héros masculin de The Women n’apparaît jamais, mais il n’est question que de lui. Mary est mariée à cet homme d’affaires new-yorkais, qui découvre-t-elle, la trompe avec une vendeuse en parfumerie. Ses amis – Sylvia Fowler, Edie Cohen, enceinte et qui espère un fils, et Alex Fisher – avaient déjà eu vent de la rumeur mais n’osaient pas l’en informer. Si l’infidélité reste le thème principal de cette fiction, l’indépendance en est un autre. En apprenant l’infidélité de son mari, le monde de Mary s’écroule et ses amies n’ont de cesse que de faire payer la maîtresse. Jamais, il ne leur vient à l’idée de s’attaquer au principal responsable. La solidarité féminine fonctionne à plein tube. Tout comme l’affection dont fait l’objet le garçon d’Edie : quatre bonnes femmes tombent immédiatement sous son charme. Aussi bien dans The Women que Docteur T & les femmes, l’homme incarne d’une certaine manière l’avenir (de l’espèce ?). Leur plan final est le même : la naissance d’un gaillard. Les masculinistes (ils défendent la suprématie de l’homme), dénichés par Patric Jean dans son long métrage, en sont convaincus.

                                                                                                                 

Mary est trompée parce que, semble-t-il, elle a été une femme au foyer docile. La preuve, dès qu’elle prendra son indépendance économique, en faisant de sa passion, la mode, une activité, elle réussira à sauver son couple. The Women présente les hommes comme soucieux de réaffirmer leur pouvoir en maintenant leurs femmes sous leur coupe : quand elles s’écartent du giron, il faut les y ramener. Car quand leur gentille compagne les attend à la maison, ils sont les rois du pétrole. Stephen Haines en est le parfait exemple. Seule l’idée que son ascendance sur sa conjointe diminue au fur et à mesure qu’elle gagne en autonomie le fait réagir, ou du moins s’adapter. C’est toute l’histoire du féminisme et de l’avènement de l’homme conciliant.

C’est en tout cas de cela qu’il s’agit dans Ce que veulent les femmes  de Nancy Meyers. Le portrait dressé de l’homme dominant est celui d’un être en pleine évolution parce que confronté à la résistance des femmes. Une en particulier. Dans l’art de jouer les femmes qui remettent les hommes à leur place, Helen Hunt passe maître en 2001 au cinéma. En février (un mois après Docteur T & les femmes), dans Ce que veulent les femmes de Nancy Meyers, elle donne cette fois-ci la réplique à Mel Gibson, Nick Marshall à l’écran. Hunt interprète Darcy McGuire, une publiciste qui sera engagée comme directrice de la création au détriment de Nick Marshall dans l’agence où il travaille. La raison : elle appréhende mieux les besoins de la gent féminine. Cependant, Marshall est un homme chanceux, qui grâce à une électrocution, va radicalement rentrer dans la tête des femmes. Son univers de mâle dominant se retrouve chamboulé d’autant plus qu’il tombe amoureux de Darcy. Et ses dons extralucides ne sont ici d’aucune aide. A force d’entendre ce que les femmes pensent, en passant, de lui-même, Nick Marshall s’aperçoit qu’il n’y connaît décidément rien. En mettant en avant ses déconvenues, Nancy Meyers inflige à son personnage masculin une leçon d’humilité. Elle met en scène sa progression d’amant, de père et de collègue de travail. Mais les préjugés ont la vie dure, même pour les plus conciliants. Les féministes, ou tout simplement les femmes, qui aspirent à être considérées comme des hommes, en sont bien conscientes. D’autant plus que quand on veut parfois parler d’elles au cinéma (quel que soit d’ailleurs le sexe du réalisateur) et que tout porte à croire, titre compris, qu’elles sont les reines du jour, un phallus envahit  le Grand écran. Le Septième art aussi est victime de la domination masculine. Ne serait-ce du fait de ceux (masculin pluriel) qui le font.

                                                                                                        


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