Délice Paloma

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>… Voilà un titre aussi alléchant qu´un mystère, aussi musical qu´un refrain et surtout, aussi inoubliable qu´un film de Nadir Moknèche ! Celui que l´on surnomme > depuis Le Harem de Madame Osmane (avec Carman Maura) et Viva Laldgérie, poursuit avec Délice Paloma, une oeuvre moderne et à contre-courant des idées reçues sur l´Algérie féminine. […]

<< Délice Paloma >>… Voilà un titre aussi alléchant qu´un mystère, aussi musical qu´un refrain et surtout, aussi inoubliable qu´un film de Nadir Moknèche ! Celui que l´on surnomme << l´Almodovar algérien >> depuis Le Harem de Madame Osmane (avec Carman Maura) et Viva Laldgérie, poursuit avec Délice Paloma, une oeuvre moderne et à contre-courant des idées reçues sur l´Algérie féminine. Ce troisième long métrage, nouveau portrait tragi-comique d´un peuple en pleine ébullition, confirme le talent d´un cinéaste amoureux.

Et c´est à travers les traits de son égérie Biyouna que Nadir Moknèche dépeint cette fois l´Algérie. << Madame Aldgéria >> comme se fait appeler son personnage, devient l´allégorie délicieuse de tout un peuple. Déterminée, malicieuse, lucide et cynique, presque désenchantée, elle dirige une agence bien particulière, à son image. Du simple service de détective privé à celui de << loueuse de charme >>, rien n´effraie cette femme d´affaires au coeur large mais pour qui la fin justifie bien trop souvent les moyens. Moyens qui la conduisent finalement à passer trois années de sa vie en prison. Le film s´ouvre sur justement sur sa sortie. Seules deux proches sont venues accueillir Zineb (qui n´est plus Madame Aldjéria). Sa soeur, et son ancienne << collaboratrice >> Shéhérazade (magnifique Nadia Kaci, autre muse du réalisateur) qui, désormais << clean >>, a elle aussi abandonné son pseudonyme attrayant pour retrouver son identité et par la même, une existence plus << conforme >> aux attentes de la société. Elle s´est mariée, porte le voile et est devenue mère de deux enfants.

La subtilité du film s´exerce dans le traitement de son histoire. Au lieu d´adopter une narration purement chronologique, Nadir Moknèche opte pour l´utilisation constante d´allers-retours entre le présent (son retour de prison) et le passé (trois ans auparavant, alors qu´elle traitait son ultime affaire). Le récit de l´héroïne diffusé en voix-off, permet à celle-ci un retour critique sur son histoire, et bien sûr sur elle-même. Si le procédé a peut-être parfois trop tendance à tenir la main du spectateur dans le ressenti du personnage, la mise en scène, elle, reste fluide et bien pensée. Autour de Madame Aldjéria la tension monte crescendo. Ce qui pourrait sembler, de prime abord, n´être qu´une comédie féminine légère en plein le centre d´Alger, se révèle rapidement plus sombre. Le réalisateur entrouvre des milliers de portes habituellement closes. De la condition de la femme en Algérie, au problème de l´économie souterraine en passant par le terrorisme des années 90, c´est une fresque du pays tout entier qui surgit sous les yeux du spectateur.

Délice Paloma laisse évidemment la part belle aux femmes. Pléthore de tempéraments féminins défilent à l´écran. Madame Aldjéria bien sûr, en chef d´orchestre de la bande, fait se croiser les destins de Mina, sa soeur sourde-muette qui ne peut que suivre le mouvement, Shéhérazade, devenue fidèle prostituée de luxe, et Rachida rebaptisée Paloma, et qui apprend à marcher sur ces traces. Le film confronte différents visages de l´Algérie d´aujourd´hui. Celui des valeurs traditionnelles comme la famille et la solidarité mais aussi celui de la dureté, de la souffrance et des désillusions. C´est pourquoi le rôle de Paloma se détache tellement. C´est l´île de pureté du film. Tous les espoirs secrets du peuple algérien sont portés par cette jeune femme à l´innocence exacerbée, qui porte le nom d´un dessert exotique à la fleur de Jasmin et qui fait surtout directement référence à la colombe (<< palumba >> en latin) symbole suprême de la beauté et de la pureté. Quant à la masculinité, si elle n´est pas autant représentée dans l´histoire, elle n´en est pas pour autant silencieuse. Les questions du partage, voire de la perte de l´autorité, du désir féminin, ou encore de l´homosexualité ne sont pas ignorées.

Au final Nadir Moknèche réussit avec ce troisième long métrage, à imposer son propre style. En partant d´une histoire de femmes, il parvient à prendre la température de tout un pays sans jamais s´égarer. Délice Paloma est d´un comique amer et inversement.

<< Vous connaissez quelqu´un sur Terre qui aime les Algériens ? >>, l´une des dernières phrases prononcées par l´allégorique Madame Aldjéria étonne tout d´abord, puis prend tout son sens. Le cinéma de Nadir Moknèche est moins un hommage aux femmes qu´un hommage à l´Algérie, son histoire et son avenir.

Titre original : Délice Paloma

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Durée : 135 mn


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