De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites

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Un titre original et plutôt prometteur mais qui, au final, donne lieu à un film décevant, faute de n´être autre chose que la captation du jeu un peu trop survolté de Madame Newman.

Sorti en 1973, De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites raconte l’histoire de Béatrice, une quadragénaire criarde, expansive et loufoque – en un mot comme en cent, « spéciale » -, qui élève seule ses deux filles de treize et dix-sept ans. Matilda, la plus jeune, est calme, discrète, plutôt effacée, tout le contraire de sa mère. Ruth, l’aînée, une pom-pom girl épileptique en pleine crise d’adolescence, tente tant bien que mal de s’extraire de l’orbite d’une génitrice très difficile à vivre et peu soucieuse de sa progéniture. Un peu trop portée sur l’alcool et le tabac, Béatrice ne se comporte en effet pas vraiment comme une “bonne” mère, préférant errer inutilement dans sa maison, une cigarette à la bouche, un verre à la main, en imaginant et en énonçant à haute voix des projets qu’elle ne réalisera jamais, trop enfoncée qu’elle est dans un passé qui lui a tout simplement glissé entre les doigts. Sans emploi, négligée et désabusée, Béatrice patauge dans ses regrets à longueur de journée, sans songer une seule seconde à l’influence que ce triste comportement peut avoir sur la construction de ses deux filles tout juste à l’orée de l’adolescence, tout juste à l’âge où elle-même faisait les choix qui l’ont perdue. Ce qu’elle leur montre, en vérité, c’est l’exemple à ne pas suivre.

De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites est l’adaptation d’une pièce de théâtre écrite par Paul Zindel et récompensée en 1971 par le prestigieux prix Pulitzer. C’est un autre Paul, le célèbre acteur Newman, au curriculum bien rempli (Wise, Brooks, Penn, Preminger, Hitchcock…), qui s’y attelle à l’occasion de son second film “avoué” après Rachel, Rachel (1968).
Agréable à regarder, plutôt captivant, il manque pourtant quelque chose à ce film ; il y a que Paul Newman, en effet, s’évertue à raconter son histoire sans vraiment s’intéresser à l’outil qui lui permet de le faire. Il réduit le médium cinématographique et son langage, dotés d’un potentiel pourtant énorme, au strict minimum, ne faisant du film que la simple captation du jeu de ses acteurs, ou, devrait-on dire, de celui de son épouse, l’actrice Joanne Woodward. Newman, sans doute parce qu’il est lui-même avant tout un acteur, ne s’intéresse pratiquement qu’à eux, faisant de l’objet filmique une oeuvre pauvre, quand l’histoire, rondement menée et extrêmement intéressante, promettait bien plus. Même le jeu de Woodward, qui en fait un peu trop, finit par irriter, tant elle semble être dans la démonstration – ce qui lui a pourtant valu le prix d’interprétation féminine au festival de Cannes 1973.

Il n’y a que lorsque Newman filme sa fille, Nell Potts, que la magie opère à l’écran et que le cinéma, enfin, se fait. Car au fond, la vraie héroïne de De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites, c’est Matilda, cette petite fille qui a par chance trouvé son ticket de sortie dans le bac où elle fait pousser ses marguerites exposées à diverses doses de rayons gamma. C’est dans ce bac qu’elle voit éclore la clé de sa compréhension du monde, bien au-delà de l’atmosphère viciée du taudis dans lequel elle vit avec sa famille, bien au-delà de l’influence catastrophique d’une mère à la personnalité étouffante, qui s’agite vainement, boit, fume, comme s’il s’agissait de conditions primordiales pour exister. Matilda, sous le regard bienveillant de sa grande soeur, est parvenue à trouver dans son quotidien la beauté et la poésie qui y manquaient, grâce à la science, au fait que nous soyons tous “composés d’atomes en provenance d’étoiles et autres lieux fantastiques”, et qu’il soit possible qu’un jour une mutation merveilleuse transforme et améliore l’espèce humaine.

Si le film de Newman questionne donc très sérieusement la famille et les rapports que ses membres entretiennent les uns avec les autres, il est également l’occasion d’interroger le choix de vie qu’il s’agit immanquablement de faire à l’orée de sa vie adulte : se « ranger » ou suivre des rêves, des envies moins prosaïques, quitte à tomber de haut… ce qu’a expérimenté Béatrice.  C’est avec subtilité que Newman touche du doigt le fait, tragique, que la vie s’ébranle immuablement de station en station en oubliant sur le côté ceux qui n’ont pas eu le temps de s’y accrocher. Dommage qu’il manque au film une forme plus en adéquation avec son propos, qui lui aurait permis de gagner nettement plus de souffle et de profondeur…

Titre original : The Effect of Gamma Rays on Man-in-the-Moon Marigolds

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Durée : 100 mn


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