Damsels in Distress

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<< Si tu déménageais dans un lieu qui sent meilleur ? >> Un teen movie pour réformer les moeurs.

Elles arrivent, pimpantes et sûres d’elles, quasi détourées par la lumière qui nimbe leurs silhouettes : des anges prêtes à sauver le monde de sa vulgarité et de sa laideur. Damsels in Distress a quelque chose de gentiment corrosif, notamment parce qu’il applique à la lettre les codes du teen movie féminin américain. Ses personnages correspondent intégralement aux canons du genre : la leadeuse roborative, l’ultra-narcissique un peu plus intelligente mais qui ne se sert pas de son cerveau, la cruche écervelée et la petite nouvelle (le quatuor de choc de l’excellent Lolita malgré moi de Mark Waters, 2003). Sauf qu’ici le but de nos donzelles est de rendre le monde meilleur : éduquer les masses pour les rendre moins vulgaires, endiguer le fléau de la dépression, sauver du suicide par les claquettes… Comment ne pas aimer ces quatre pimbêches qui combattent les mauvaises odeurs à base de distribution gratuite de savon et s’offusquent de leurs congénères qui s’endorment dans leur vomi ?

« Éducation, éducation ! On peut maîtriser ce qu’on veut. »

Whit Stillman excelle dans la description des personnages et les idées de génie : de l’attardé qui ne parvient à identifier les couleurs, traumatisé par les arcs-en-ciel – et par extension par les manifestations gays – à l’enfoiré affectif qui saoule sa jouvencelle de petite amie de références françaises pour la mettre dans son lit, Damsels in Distress est parfois farouchement drôle. Le réalisateur a d’ailleurs l’intelligence de ne pas verser dans l’angélisme pour ses quatre héroïnes. Au contraire, la caricature est appuyée et Stillman pointe leurs travers du bout de la caméra. De leur emprise réactionnaire (le doux souvenir des 50s) à leur condescendance affichée (sortir avec des débiles pour les aider à se parfaire), Stillman ne les loupe pas. Si on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs, manifestement on ne peut pas changer le monde qu’avec de bonnes intentions. Et même le rachat express de la leadeuse Violet (remarquable masque de cire Greta Gerwig) à base de caractérisation psychologique et de flashback mélodramatique explose en plein vol par la bêtise de son amoureux transi (Adam Brody mièvre à souhait).

 

Tant de promesses et de fils tendus sont difficiles à faire tenir ensemble. Le film ne pêche pas par un finale moralisateur comme dans la majorité des teen movies, mais parce qu’il ne sait pas vraiment comment clore son conte. Péché mignon de la comédie contemporaine, et donc trop souvent vraie afféterie, c’est le basculement dans la séquence musicale mi-libération de l’imaginaire, mi-second degré (en soi elle poursuit la caricature engagée par le film) qui est choisi. Une facilité dont on se serait bien passé et qui entache ce portrait pourtant lucide et réaliste des relations humaines et ses dialogues qui confinent parfois au génie.
 

Titre original : Damsels in Distress

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Durée : 99 mn


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