Contes de juillet

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Le laboratoire naturaliste.

Difficile de ne pas rapprocher Contes de Juillet et L’île au trésor, (autre film de Guillaume Brac sorti un mois plus tôt) qui passait au gros peigne la population de l’île de Cergy Pontoise, alors ouverte au public pendant la saison estivale. Le premier opus se focalisait sur les parcelles de l’île et piochait, tel un faisceau dirigé, quelques destins pris au hasard dans la foule. Contes de juillet fait de ses personnages son principal moteur et laisse la nature se charger du décor, cet espace physiologique qui agit, l’air de rien, sur le sujet central. Si les deux films peuvent se découvrir seuls , ce serait se dégager de l’étude à deux volets entreprise par l’auteur que de les dissocier complètement. Celle qui d’un côté, ramène le contexte extérieur au centre, l’envisage en tant que sujet, capture les espaces vides et inertes de l’île en période nocturne comme des fragments vivants au repos, puis pendant le jour, investis et fouillés par un décor humain. Et celle qui de l’autre, (Contes de juillet) resserre sa focale sur les comportements humains mis en lumière dans le décor naturel.

 

 

L’objet d’étude naturaliste expérimente en deux temps. D’abord la captation de la nature comme un personnage rohmérien sur lequel des destins compartimentés de durée plus ou moins égale viennent glisser. Les personnages ont pour attribut d’y fourmiller pour mieux cerner ses atours. L’expérimentation du deuxième volet se range plutôt du côté des rapports humains, cadre ses personnages enclavés dans la nature qui  change de rôle cette fois, pour devenir l’ornement. Le spéculaire réside dans l’inversion sujet-décor, la corde sensible de chacune des oeuvres, qui les combine dans le rapport unifiant de la quête scientifique où la caméra joue le rôle de catalyseur et de grosse loupe. La méthode suivie est d’abord celle d’observer l’environnement, comme pour mieux toucher du doigt le contexte physiologique responsable des attitudes, puis de grossir en plans rapprochés les personnages dont on peut mieux interpréter les signes. La didactique change le cinéma en un grand laboratoire des comportements humains (on pense à Mon oncle d’Amérique de Resnais).

Les deux films se lisent comme une étude à deux niveaux mettant en relief autant le sujet que son décor, dans une nécessité égale. La toile de fond ressort de la même façon que le sujet qu’elle abrite, comme un élément actif et fonctionnel. Si l’accouplement des oeuvres permet de faire ressortir les motifs, il les complète en gonflant les carences, inégales d’un film à l’autre. Plus importantes dans L’île au trésor, où la centralisation de l’île fuit dans la concentration des histoires, moins dans Contes de juillet, où l’incomplétude tient seulement du fait de sa durée qu’on aimerait voir s’étendre (on ne se lasse décidément jamais d’observer les comportements analogues à soi.)

 

Titre original : Contes de juillet

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Durée : 1h08 mn


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