Collection Pathé Restauration : ASTÉRIX ET OBÉLIX CONTRE CÉSAR

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Disponible le 27 septembre, cette restauration est l’occasion pour nous de reposer la question du film de bédé.

Une impressionnante finition technix

Astérix et Obélix contre César est un film haut perché, c’est-à-dire qu’il est inattendu et épique. Inattendu car il est épique. Adaptée de la célèbre bande-dessinée franco-belge, l’œuvre ne sera originale qu’au figuré, mais elle le sera sans peur de choir en hyperbole. « Le plus grand plateau d’Europe », l’arbre d’Assurancetourix (Pierre Palmade), « sûrement le plus cher du cinéma », le faux ciel, sans doute « le plus grand trompe-l’œil de l’histoire » du septième art selon un reportage de l’époque… Tant de superlatifs et d’autres jalonnent un récit gauche et titubant, qui souhaite adapter trop d’albums au même moment. Le script est suturé mais généreux, tant pis pour ces bulles d’étrangeté qui viennent éclore à la surface de l’œuvre (une scène quasi-boulevard de dégustation d’omelette empoisonnée ; Jean-Yves Tual en Mathusalix, personnage mi-gaulois, mi-champignons, pour signifier son âge avancé)…

Astérix et Obélix contre César est aussi un film bien perché, c’est-à-dire qu’il prête une attention toute particulière aux voix de ses comédiens. Les conditions de tournage en studios, digne des tent-poles du vieil Hollywood, l’ont permis. Des envolées nasales de Gérard Depardieu, le plus assidu et le plus tendre des Obélix, à l’énonciation solennelle et hourdie de Claude Piéplu, très moire en druide Panoramix, en passant le vibrato rocailleux, grave et étonnamment peureux de Jean-Pierre Castaldi, centurion qu’on prendra soin de rappeler pour les Jeux Olympiques, le réalisateur Claude Zidi et sa petite armée d’ingés son se sont appliqués à créer un paysage audio emballé et invitant, qui renvoie sans honte aux films d’animation que la majorité des spectateurs associaient au héros moustachu. Preuve en est les acteurs étrangers (le film est après tout une superproduction pan-européenne), Marianne Sägebrecht et Gottfried John, doublés par Andréa Ferréol et Michel Elias comme avec les impératifs usuels des versions françaises de dessins animés, soit en donnant tout de ses cordes vocales, seul outil que l’acteur devrait avoir pour attirer l’attention du spectateur.

Roberto Benigni, qui fait du Roberto Benigni, aura le droit de jouer en français. Mais c’est parce que sa diction orageuse se prête parfaitement au fourbe officier qu’il incarne. Il ne parle plus tellement avec un accent d’italien qu’un accent de méchant : Il s’agit d’une articulation au chausse-pied, c’est-à-dire que tout rentre de force et d’un coup. Et enfin, dans cette habile composition vocale composée de timbres très différents, le héros est à l’honneur : Christian Clavier est un Astérix épatant. Maestro de la plainte et du reproche étiré, Clavier est capable de rendre culte n’importe quel surgissement râleur et mouvement d’humeur franchouillard : « J’arrête pas d’lui dire, c’est un goooooiiiiinfre ! », même un plus simple « Et vooooilàààààà ! », voire un tout subtil « C’est idiooot ! »

En vérité, on peut désormais le dire, Contre César a été distribué de sorte à ce qu’il soit possible pour chaque acteur de reprendre son rôle dans une ré-ré-adaptation animée. De fait, Clavier a effectivement prêté sa voix à l’irréductible gaulois dans Le Secret de la potion magique, de Louis Clichy et Alexandre Astier.

Une agréable et picturale palette graphix.

En 2023, la question de la meilleure adaptation d’Astérix en prises de vues réelles ne se pose plus : Mission Cléopâtre a gagné la guerre, peut-être deux fois plutôt qu’une à l’aide d’une récente ressortie en 4K. Pourtant, à défaut d’être parfait ou même réellement bien réfléchi, le premier essai du producteur Claude Berri est intéressant, et prête à sourire sans trop de condescendance. L’ampleur du film, évoquée plus haut, n’est pas foncièrement ridicule et n’appartient pas qu’au monde de la poudre aux yeux. Dans certains plans du long-métrage, de réels efforts ont été faits au nom de la fidélité au médium dessiné. Ces efforts produisent des résultats qui font neuf : par exemple, l’effet spécial qui fait tenir une portion de seconde Abraracourcix (Michel Galabru) dans les airs, après la chute de son bouclier. Puis, l’effet spécial qui fait léviter son casque de la même manière, avant qu’il ne vienne lui aussi tomber au sol.

Cet aspect « bac-à-sable » de tentatives autour d’effets visuels sera repris dans Mission Cléopâtre, en 2002, donc. Et la portée pan-européenne mentionnée plus haut, sera reprise, et dans Mission Cléopâtre, et dans les Jeux Olympiques, en 2008 ; un peu moins dans Au service de Sa Majesté, en 2012, où la fièvre du caméo sera d’avantage franco-française. Elle sera également franco-française dans Les Nouvelles Aventures d’Aladin, 2015, et sa suite, 2018, sortes d’ersatz qui répondront à la même faim chez le public français en attendant la sortie de L’Empire du Milieu, plus tôt cette année.

 

 

Peu importe les qualités qu’ont l’un ou l’autre des Astérix suivants, elles existent déjà, au moins à l’état embryonnaire, dans Contre César. Ce n’est pas rien ! Et peu importe les défauts qu’auront les volets suivants, ils sont préfigurés dans cette première adaptation ambitieuse mais parfois trop dissipée et premier degré.

Entre autres, Astérix et Obélix contre César est un film attiré par l’image, et le pouvoir qu’elle a, quand elle est reproduite fidèlement par des êtres de chair et de sang. Ainsi, ni Astérix, ni Obélix, ne reconnaissent César avant qu’il ne se mette de profil, comme il apparaît sur les pièces de l’empire. Et le film est également amoureux de la répétition exacte de répliques qui ont un sens bien précis : Obélix a du mal à entendre la phrase longue et laborieuse censée lui redonner son identité de gaulois après un bref jeu d’agent-double. Difficile de ne pas y voir un moyen d’expliciter l’amour de l’équipe créative pour les planches iconiques d’Albert Uderzo et les dialogues denses de René Goscinny. Du reste, Contre César est un film qui ne démérite pas. Bien ficelé par le scénographe Jean Rabasse, et très bien éclairé par les lumières de Tony Pierce-Roberts, il n’a pas l’esthétique d’un Jacques Demy mais au moins d’un Demy-Vadim. Et, dans l’experte restauration rendue disponible par cette édition Pathé Restauration, il est capable de tenir tête à Mission Cléopâtre, au sujet, au moins, du volet qui a bénéficié du meilleur remaster. Enfin, les bonus/making-offs disponibles sur ce Blu-Ray sont très plaisants.

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