États-Unis, dans un futur pas si lointain : les hommes utilisent des clones façonnés à leurs images (en mieux : plus beaux, plus jeunes) pour sortir à leur place dans la rue, aller travailler, sortir, draguer, vivre quoi, pendant qu’eux restent tranquillement allongés chez eux, contrôlant leur double par la pensée. Un montage des années précédant l’action ouvre le film, nous apprenant que l’emploi de ces robots à diminué la criminalité, les maladies et épidémies, permettant aux humains de vivre sans danger, enfermés chez eux. Tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, jusqu’à ce qu’un meurtre prouve qu’il est possible de tuer à la fois un clone, et son propriétaire, rendant caduque l’intérêt de l’utilisation des machines. L’agent Greer et sa partenaire du FBI enquêtent.
Le point le plus intéressant du film est le procédé mis en place pour faire vivre les machines : l’artifice auquel nous adhérons consciemment est que les acteurs (Bruce Willis en tête, affublé d’un sacré pastiche capillaire) jouent à la fois leur rôle d’humain et celui de leur clone. D’apparence humaine, ces clones n’en restent pas moins des mécaniques à la démarche un peu raide, aux traits trop lisses, aux expressions limitées, des êtres tous trop beaux et parfaits. La première heure du film contraint alors à assister à un défilé de doublures, tels des fans attendant les « vrais » stars. Inconsciemment, les clones du film rappellent que la matérialité du corps humain, celui de l’acteur, ne se réduit pas au simple procédé de la ressemblance, que c’est bien sur l’incarnation et donc l’interprétation, que reposeront encore les beaux jours du cinéma. Puis tout se dérègle, les clones ne sont plus fiables, permettant aux malfrats d’usurper l’identité de quiconque, les humains sont forcés d’émerger de leur chambre, les traits chiffonnés, éblouis par la lumière du soleil, pour prendre en main le récit et résoudre cette sale affaire.
Si le déroulement du film devient alors plus classique, le réalisateur prend un malin plaisir à souligner le décalage entre la fragilité du corps humain, sa laideur parfois, les marques que lui inflige le temps, et la beauté clinique, hiératique des machines, qui se révèle peu à peu horrifiante. Quel plaisir de voir Bruce Willis se rappeler la douleur des coups sous les attaques de ses ennemis, réaffirmant ainsi son statut, décliné de film en film, de héros humain, luttant avec vaillance et lassitude contre des ennemis toujours trop nombreux et bien plus organisés que lui.
Bien rythmé, le film enchaine des scènes d’actions nerveuses et plutôt économes au niveau des effets (hormis quelques plans aériens renversants !), avec la résolution progressive du nœud d’interrogations. Tous les éléments du film d’anticipation sont au rendez-vous : les dissidents s’opposant aux avancées technologiques, le grand groupe industriel qui contrôle la fabrication des clones, le nerd sympathique et bien utile, et enfin le héros, ici fatigué et en proie aux doutes et au chagrin de la perte d’un enfant. De la belle ouvrage, honnête et carrée, à ranger prés de I, Robot et Minority Report.