Cirkus Columbia

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Après Eyes of War, Danis Tanovic revient en Bosnie pour Cirkus Columbia, chronique campagnarde tragicomique et attachante.

"Le bilan des pays communistes est globalement positif". La phrase attribuée à Georges Marchais, qui avait accompagné la sortie des Contes de l’âge d’or en 2009, pourrait également faire figure de punchline pour Cirkus Columbia, le dernier film de Danis Tanovic. Le réalisateur bosniaque, encensé et primé partout en 2001 pour son puissant No man’s land, s’attache cette fois à relater la période comprise entre l’effondrement du communisme et le début de la guerre en Bosnie-Herzégovine, en 1991. Quelques mois de paix en somme, où tout le monde semblait prêt à oublier la dictature, avant qu’un conflit fratricide ne vienne ravager les Balkans. Le tout mis en scène de manière tragicomique, avec une certaine distance toute ironique.

 

Cette période, Tanovic l’illustre assez joliment par le retour au pays de Divko, quinqua arriviste exilé depuis vingt ans en Allemagne où il a fait fortune, et qui n’a pas hésité à laisser derrière lui une femme et un enfant, Martin, aujourd’hui grand jeune homme qu’il n’a pas connu. Dans ses bagages, un chat noir, Bonny, des liasses de deutschmarks, et Azra, jeune et séduisante conquête occidentale qu’il compte bien épouser. Mais un tel retour aux sources s’accompagne forcément de déconvenues, de lieux et de gens changés, de villageois qui voient d’un mauvais oeil le come-back version fils prodigue de Divko, son ex-épouse la première. C’est l’été, l’air est doux et le manège du Cirkus Columbia s’est installé sur la place centrale. La nostalgie du pays est de tous les plans, et Danis Tanovic semble se remémorer une insouciance perdue, plombée par une bureaucratie douteuse mais qui n’a pas encore entamé l’innocence des habitants. Cirkus Columbia vaut surtout pour cela : sous ses airs de chronique villageoise qui ne se départit pas d’une certaine part d’exotisme venue des pays de l’est, le film brosse avant tout le portrait d’une génération yougoslave meurtrie par un système politique écrasant, qui préfère s’étourdir d’amours estivales pour mieux nier les horreurs à venir.

Si No man’s land promettait un brillant avenir à Danis Tanovic, ses deux films suivants, L’Enfer et Eyes of war, avaient plutôt laissé craindre que le réalisateur soit, tout compte fait, l’homme d’un seul film. Cirkus Columbia vient, dans une certaine mesure du moins, redresser la barre. Ici, on est plus proche de l’humour grinçant teinté de noirceur qui parcourait No man’s land de bout en bout. Il faut dire que le folklore bosniaque, bien qu’un peu forcé, sied mieux au teint du cinéaste que ses incursions à l’étranger (la France pour L’Enfer, le Kurdistan pour Eyes of war). On le sent plus à l’aise, plus maître de son sujet, et certaines séquences revêtent à nouveau ce sourire triste qui allait si bien à son premier long-métrage. Divko qui cherche désespérément son chat, son fils Martin qui bidouille des antennes radio pour capter les ondes américaines, la femme bafouée qui renverse des seaux d’eau sur la tête des soldats venus l’expulser de son domicile : autant de vignettes quasi naturalistes qui traduisent parfaitement un quotidien entre deux eaux.

Cirkus Columbia est un film qui file doux, ne se veut pas dérangeant, et l’ensemble aurait sans doute profité de plus d’aspérités, de plus de scènes rugueuses. Mais en photographiant la Bosnie d’avant les combats, il vient clore un cycle, une sorte de trilogie autour de la guerre des Balkans entamée avec No man’s land (au coeur des violences) et poursuivie avec Eyes of war (les conséquences du conflit). Une sorte d’avant-pendant-après qui, une fois achevé, forme un ensemble cohérent, et plutôt attachant.

Titre original : Cirkus Columbia

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Durée : 112 mn


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