Celui qu’on attendait

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Serge Avédikian revient en Arménie pour cette comédie douce-amère qui donne vie à ce pays et au génocide.

Trois ans après Le scandale Paradjanov, Serge Avédikian revient en Arménie pour notre plus grand bonheur avec Celui qu’on attendait, son second long métrage de fiction. Le cinéaste met en exergue sur son site officiel ces quelques mots : « L’immigration c’est une culture, et la vraie culture de l’immigré, c’est l’intégration. Mais je ne veux pas être un porte-drapeau, je ne porte pas mon "Arménite" en bandoulière. Je porte juste la dualité en moi. Je me suis longtemps senti apatride, aujourd’hui je m’en fous. » On le constate dans ce film entre admiration d’un drôle de pays en guerre larvée contre son voisin au nom imprononçable, l’Azerbaïdjan, et satire d’un système qui a encore gardé quelque chose des années soviétiques. Patrick Chesnais se prête magnifiquement au rôle du comédien français égaré dans ces terres caucasiennes qui ne comprend rien à ce qui lui arrive mais qui, peu à peu, tomber sous le charme de ce pays et des ses habitants, jusqu’à aller apprendre quelques mots de cette langue magique. Sur un scénario coécrit avec Jean-François Dérec, Serge Avédikian parvient à dresser un beau portrait de son pays d’origine, avec ses peurs et ses rêves, tout en reprenant de façon très adroite le génocide que les Arméniens subirent il y a un peu plus de cent ans. En effet, la « légende » raconte que chaque Arménien attend qu’un ancêtre ayant fui le pays au moment du génocide va revenir pour lui apporter de l’argent et de l’aide. C’est ainsi qu’au fin fond de Khatchik, le comédien perdu entre deux pays, deux cultures et deux langues, Jean-Paul Bolzec va être fêté comme le messie, lui dont le surnom sera vite « celui qui paie » puisqu’il fera chauffer sa carte Visa pour réparer l’électricité du village et repeindre l’école en ruines.

Le film fait penser parfois à la comédie à l’italienne, ou à certains films caucasiens découverts dans quelques salles obscures privilégiées de Paris, mais c’est surtout une comédie à l’arménienne, qui présente à la fois la vie du village qui parvient grâce à ce visiteur maladroit à se débarrasser enfin de la mafia et à retrouver goût à la vie. Comme quoi, même un petit Français moyen, sans envergure, qui passe son temps à tenter d’appeler sa femme et son agent en France sur un portable qui ne capte pas, peut changer la vie des gens au fin fond de l’Arménie. Et c’est une réussite jubilatoire même si, par moments, il ne faut pas toujours chercher la vraisemblance. D’une façon moins académique que pour son film sur Paradjanov, on dirait que Serge Avédikian s’est trouvé une nouvelle voie, passant d’acteur, au documentaire, puis au film d’animation (Chienne d’histoire récompensé à Cannes en 2010) et enfin la comédie sociale. Il se permet même de se moquer, gentiment, de la figure arménienne par excellence, Charles Aznavour, défendu de manière acharnée par un admirateur local. En Arménie, de nombreuses places portent d’ailleurs son nom. Il est vrai que cela peut agacer le falot Jean-Paul Bolzec, lui qui se contente d’une représentation au fin fond de l’Azerbaïdjan sans savoir où ça se trouve vraiment prétextant que les Français sont nuls en géographie. Le réalisateur est même parvenu à faire figurer au casting Arsinée Khanjian, épouse du réalisateur Atom Egoyan, qui joue le rôle de l’interprète du policier d’une manière assez cocasse qui rappelle les films soviétiques mais au deuxième degré. Si bien que, pour notre part, nous attendons maintenant avec impatience le nouveau film d’Avédikian en espérant qu’il nous fera encore rêver avec la belle et folle Arménie qu’il a su filmer de manière encore plus poétique que dans son film précédent.

Titre original : Celui qu'on attendait

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Durée : 90 mn


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