Si ce livre au fond très modeste n’apporte en lui-même rien de neuf au mythe Deneuve, réjouit et interpelle plus d’une fois l’évidence d’un accord tacite entre les deux interlocuteurs, chacun jouant le jeu d’une interview « classique » qui d’évidence ne peut pas l’être. Parce que Desplechin, ayant dirigé Deneuve en tant que rôle principal d’Un conte de Noël, ne peut feindre de découvrir ici ce qu’il a forcément vécu, d’entendre pour la première fois ce qu’assurément ils s’étaient déjà dit. Parce que surtout Deneuve, dont le jeu s’est toujours situé entre une absence de façade – par le regard notamment – aux situations qui l’encadrent et un débit d’une fluidité, d’une rapidité sans faille, est depuis longtemps exemplaire de cette simulation de l’ordinaire, de la spontanéité. Se laisse ainsi entendre au cours de cette lecture une connivence voisine de celle de la scène la plus marquante d’Un conte de Noël, où Deneuve et son fils joué par Mathieu Amalric s’avouaient le plus naturellement du monde leur désamour.
A la lumière de cette entente, se confirme l’idée que Catherine Deneuve avait logiquement sa place dans le cinéma d’Arnaud Desplechin, où rien au fond n’importe plus pour chaque acteur et personnage que de partager la scène dans la pleine conscience que la vie reste un grand jeu, toute conversation une association implicite de répliques. Au delà du panégyrique qu’il semble être au départ, ce livre serait donc au final un certificat d’alliance, de mutuelle reconnaissance artistique.
Catherine Deneuve/Arnaud Desplechin, Une certaine lenteur, Editions Rivages Poche, Collection «Petite Bibliothèque»
