Casa Grande

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Rio est une bien belle ville pour attendre la fin de la bourgeoisie !

Le film s’ouvre sur un plan fixe, remarquable, d’une très belle maison blanche avec piscine. Un homme sort tranquillement de l’eau, passe un peignoir, entre dans la maison et éteint lentement les lumières de toutes les pièces, pour finir par éclairer celles d’une fenêtre au dernier étage. Ce mouvement immobile donne le ton du film, et ce plan que le cinéaste pense inspiré de Jacques Tati évoquerait aussi un poème de Charles Baudelaire pour lequel ici « tout n’est que luxe, calme et volupté ». Un confort bourgeois, celui qu’a connu le jeune réalisateur brésilien, Fellipe Barbosa, dont c’est ici le premier long métrage. La maison est d’ailleurs celle de son enfance et de son adolescence, et le lycée privé dans lequel le héros et ses camarades évoluent aussi.

Le film raconte la lente déchéance d’une riche famille brésilienne installée dans les beaux quartiers de Rio de Janeiro et dont la fortune se défait lentement et inexorablement. Après des études de cinema à New York, dont il garde une certaine conception du cadre et du jeu des acteurs, Fellipe Barbosa est revenu filmer dans la ville de son enfance pour dénoncer à son tour le terrible clivage qui bloque la société brésilienne, encore trop ancrée selon lui dans un racisme qui ne dit pas son nom. Son personnage central, au prénom français, Jean, et qui n’est autre que lui-même, découvre à son insu la lutte des classes à travers la manière dont son père traite son personnel domestique, mais aussi dans sa manière à lui, bien personnelle, de partager les sentiments et les idées de ceux qui vivent à l’ombre des riches pour les servir – d’où le titre de Casa Grande, qui est comme une manière de reconnaître un signe extérieur de richesse qui menace de disparaître puisque le père, ruiné, pense la vendre à un homme d’affaires requin qui, à son tour, veut l’arnaquer. De son côté, Jean est tombé amoureux d’une belle jeune fille qu’il pense issue des favelas à cause de l’arrêt d’autobus où elle s’arrête chaque jour, et de son engagement acharné pour la politique des quotas mise en place par Lula en 2006.

 

Le jeune réalisateur fait œuvre révolutionnaire, sans grand mouvement de caméra, ni grands effets, mais d’une manière insidieuse en montrant à la fois les fractures sociales et les clivages du pays, tout comme la proximité unique au monde des classes sociales et ethniques du pays. C’est d’ailleurs lorsqu’il partira à la recherche du chauffeur qui était un peu son confident et que son père a licencié abusivement, que Jean découvrira le monde parallèle des favelas dans lequel les gens se soutiennent, à la différence des coups tordus que s’inflige la bonne bourgeoisie.

Pour ce premier film très prometteur, on pourrait retenir les quelques mots qu’en dit le cinéaste et critique brésilien, Kleber Mendonça Filho : « Casa Grande ne ressemble à rien de ce qu’il paraissait possible de faire ici il y a encore quinze ans. Il a beaucoup de charme, de subtilité et juste ce qu’il faut d’acidité pour montrer sans tout gâcher combien la société de ce pays est folle, raciste. » C’est notamment le personnage de la bonne, dont le jeune homme est visiblement amoureux, qui focalise toute l’attention du cinéaste puisqu’elle traverse le film avec sa faconde plébéienne qui en fait un vrai personnage, tout droit sorti de Y tu mama también (2001) d’Alfonso Cuaron ou de La Nina santa (2003) de Lucrecia Martel. C’est d’ailleurs dans son lit que Jean termine son apprentissage de la vie, après avoir quitté la salle d’examen sans passer l’épreuve, dans ce lit niché au cœur d’une favela et qui donne tout son sens à la belle affiche du film.

Titre original : Casa Grande

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Durée : 114 mn


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