Samedi 14 mai
« C’était un jour de foule comme les autres » (Pauline Croze)
Le premier samedi du Festival de Cannes est un jour crucial pour juger le cru de l’événement. Tout le monde est de sortie. Tout d’abord, on constate rapidement une recrudescence des badgés privilégiés augmentant considérablement le temps d’attente avant une projection, quelle qu’elle soit. Même le documentaire sur Michel Petrucciani a fait se déplacer les foules pendant que la sono du Festival crachait du Lady Gaga. Le samedi, c’est le jour préféré des milliardaires pour venir arborer leur(s) plus belle(s) Ferrari et par la même occasion leur(s) nouvelle(s) femme(s) de 47 kg (+3 en comptant la paire de talons). Les people naviguent furtivement entre les soirées, cherchant désespérément la meilleure de la nuit, celle où ils ne sont malheureusement pas invités. Enfin, les paparazzi en herbe et les collectionneurs d’autographes se donnent rendez-vous près des marches en attendant une star. Aujourd’hui, l’émeute avait un petit goût sucré de Johnny Depp venu présenter Pirates des Caraïbes 4 hors compétition.
Malgré toutes ces distractions, restons concentré sur la Compétition. Avec Habemus Papam, Nanni Moretti s’amuse de la nomination d’un nouveau Pape (Michel Piccoli et sa sobriété charismatique), en en faisant un chef religieux tout puissant impuissant qui doute de ses capacités. À travers de nombreuses scènes savoureuses et réjouissantes, le film tourne en dérision l’institution religieuse et ceux qui la manipulent. Il insiste aussi sur la faiblesse d’un homme à qui on demande l’impossible : inspirer des millions de gens sans hésitation. Les scènes de farce telles la sublime séquence de l’élection du Pape appuient délicatement un propos anticlérical mais sans jamais l’extrémiser, en y insérant en parallèle le cheminement introspectif du personnage principal. Une réussite.
La bête de scène de film
S’il y a bien une chose sur laquelle les bruits de couloir font l’unanimité, c’est sur l’interprétation magistrale de Joey Starr dans Polisse de Maiwenn. Il y campe un brigadier de la BGP (la police dédiée aux enfants) imposant, lucide et terriblement émouvant. La réalisatrice a su s’adapter à l’aspect atypique de son acteur en lui composant un rôle sur mesure tout en scotchant littéralement les doutes suscités par les éternels sceptiques. Entouré d’une troupe d’acteurs tous excellents, Joey Starr crève l’écran et montre qu’il n’est pas qu’un physique ou une « gueule », qu’il y a bien un cœur qui bat derrière l’ancien rappeur hardcore. Le film est légèrement bancal quand il s’intéresse à la vie privée de ces flics en contact permanent avec l’horreur suprême. Il est cependant d’une force considérable quand il observe le quotidien de ces indispensables protecteurs de mineurs. Les scènes s’enchaînent sans véritable scénario, provoquant tout un éventail d’émotion : de l’hilarité à la rage, de la compassion à l’épouvante.
L’ambiance générale après seulement quatre jours de Festival semble au beau fixe. Certains films de l’Acid et de la Semaine de la Critique sont acclamés et épanouissent leur réputation, le tapis rouge est foulé par les stars, Un certain regard joue parfaitement son rôle d’alternative séduisante à la Compétition qui elle, progressivement, s’impose. En attendant impatiemment la suite.
Précédemment, dans notre saga cannoise:
Quand Cannes fait son 64e festival
Cannes Jour 1 : Les choses sérieuses commencent
Cannes Jour 2 : Des salles obscures à la plage
Cannes Jour 3 : We need to talk about Nikos !