Une première scène de sexe où Gabrielle (Emmanuelle Béart) et Jean (Michaël Cohen) sont allongés l’un sur l’autre, les corps entortillés, se pénétrant de manière brutale et animale. Presque cinq minutes où les regards des spectateurs oscillent entre gêne et dégoût, curiosité malsaine et contemplation. Pour une première fois en tant que réalisateur, Michaël Cohen ose des scènes de nu entre les deux amants allant jusqu’à la pénétration anale, sans flou ni détour. Dans des toilettes publiques, dans la rue, en cassant un lit, le film présente l’amour d’un couple qui ne fait qu’un tout en se détruisant, se torturant mutuellement.
Le thème n’est pas nouveau : l’amour passionnel et ses conséquences. A trop aimer quelqu’un, on finit par en devenir fou, obsédé par l’idée d’être quitté, laissé, abandonné. Les moindres craintes ou peurs entraînent l’énervement, la violence, le mal-être. Et pourtant, telle une drogue, l’autre devient le centre de toutes les pensées, jusqu’à l’oubli de soi-même. Sauf que dans le film, c’est un combat entre deux coqs solitaires qui draine le scénario. Jean, soumis à l’amour qu’il éprouve pour Gabrielle, manque de vie et cherche en elle une sorte d’énergie pour le faire sortir de son quotidien. Gabrielle quand à elle, légèrement folle, complètement perverse, a un passé douloureux avec les hommes qu’elle multiplie dans son lit, tout en avouant les détester.
Pour son premier film, Michaël Cohen a décidé de se donner totalement, et, par la même occasion, d’imposer à sa femme – Emmanuelle Béart – le même sort. Finie la pudeur, oubliée l’estime de soi et de son corps, les deux acteurs confondent leur vie privée avec leur vie jouée. Impossible de se détacher de cette idée. Après un beau début de carrière dans le théâtre pour Michaël Cohen, ce rôle lui colle si bien à la peau de la mêm façon que ce don pour donner la réplique sur scène se ressent à l’écran. Sauf qu’à la différence du théâtre, le temps et l’espace d’un film sont plus lourds à digérer que sur scène. Une nuit seulement dans le film, entrecoupée de flash-back sur leur passé, des images déconstruites, la fin avant le début, bref, un ensemble original de construction du film qui tend malheureusement plus à endormir le spectateur plutôt qu’à lui faire vivre la douleur ressentie par les amants.
Qu’est-ce qui a poussé Michaël Cohen à donner tant de charnel à son film ? Le livre, plus doux à sa lecture, moins insistant sur les scènes intimes, laisse imaginer aux lecteurs la passion existante entre les deux amants. Emmanuelle Béart, la mangeuse de citrons, si sublime dans les films de Téchiné, aurait-elle perdu la tête par amour ? Même si elle porte le film, à la fois en jouant cette femme avide de sexualité et fragile face aux hommes, elle finit par dégouter et s’attirer la pitié de celui qui la regarde avec tant d’amour. Il est vrai, comme le disait la grand-mère de Béart, qu’il vaut mieux aimer et en souffrir plutôt que de ne jamais aimer, sauf que dans certains cas, ça relève du masochisme.