La photographie est luxueuse et toute en demi-teintes sépias, les robes vintage à souhait, les humeurs exacerbées au possible : tout sent bon la ripoline, les atermoiements amoureux entre deux rives, l’impossibilté d’être soi ici et là-bas. Chaque chose semble à sa place, sentiments comme bibelots. Comment Brooklyn parvient-il, alors, à être si émouvant ? Peut-être parce qu’il y a quelque chose de l’ordre de la tectonique des plaques dans le film : Europe et Amérique semblent à la dérive, toujours à portée de main sans qu’Eilis ne les touche vraiment tout à fait, jeune femme qui fait le grand écart entre ses désirs de racines et ses aspirations à une vie plus grande. Saoirse Ronan – nommée à l’Oscar de la meilleure actrice – est ici superbe, tout en grands yeux humides au travers desquels passent doutes et nuages, incarnation idéale du “ni ici ni ailleurs”. Brooklyn est, à ce titre, proche des romans de Sebastian Barry – particulièrement le formidable Du côté de Canaan -, avec lequel il partage le goût de la fresque romanesque et des rebondissements placides. Qu’Eilis soit en adéquation avec sa terre d’accueil ou étrangère chez elle, elle touche sûrement, et saura un jour donner conseil à toutes les jeunes filles qui, comme elle, effectueront la traversée de l’Atlantique.
Brooklyn
Article écrit par Jean-Baptiste Viaud

Beau mélo vintage quoiqu´un brin académique.