Le souci d’égalité homme / femme apparaît ainsi dans Bodyguard, où un couple tente de fureter à gauche et à droite pour faire éclater la vérité sur la mort d’un contrôleur sanitaire. Le duo, bien sapé et soigneusement coiffé, est attachant. Monsieur est en détresse et la future Madame Carter, fan des matchs de baseball, lui vient volontiers en aide comme si elle était son prolongement, un prolongement capable d’anticiper la pensée de l’autre. Entre recherche dans les dossiers de la police, transmission d’infos via des vinyles, office de chauffeur pour son fiancé, Doris est la femme idéale. Les coups de poings demeurent, sans surprise à la fin des 40’s, de la compétence de Carter qui reste le défenseur intègre et preux chevalier de la belle. Pas de robe froissée, ni de tête décoiffée par une quelconque empoignade pour la jeune femme. Néanmoins, s’affiche à l’écran une volonté d’approcher la parité. La collaboration des deux personnages possède ses charmes dans ce film au scénario certes efficace mais un peu trop lisse.
Tous les éléments du film noir sont présents. L’histoire est bien ficelée. À aucun moment l’attention ne se relâche et l’action est pleine de fluidité. Le fait que Carter soit poursuivi et contraint de se dérober tient en haleine de bout en bout mais, paradoxalement, le scénario est transparent. Les événements se déroulent de façon prévisible. Il manque à Bodyguard quelques extravagances, notamment du côté des personnages. Certains d’entre eux sont davantage des « types » que des protagonistes, comme Fred Dyson, le neveu de Gene Dyson, propriétaire de la boucherie. L’atmosphère aurait également pu être mieux développée. Le côté inquiétant de l’abattoir qui centralise morceaux de viandes sanglants, scies et autres objets tranchants n’est ici pas assez mis en valeur. Mais le film tient solidement la route, notamment grâce à des plans savoureux comme celui, cauchemardesque, du surgissement d’un train et celui de l’oeil éclairé, au sens littéral comme au sens figuré, de l’ex-policier.
Situé au début de la carrière de Fleischer, Bodyguard ne brille pas par son originalité, mais contient des perles du genre, dont la valeur aurait certainement explosé si la durée du film (environ une heure) avait été prolongée.