La guerre n’est pas encore finie, quand Raoul Walsh termine le tournage d’Aventures en Birmanie. L’histoire d’un commando américain chargé de faire exploser un radar japonais en pleine jungle birmane et dont le retour, une fois leur mission terminée, va se voir contrarié par une armée ennemi présente en masse. En découleront des jours et des jours de fuite, d’errance dans une jungle sans fin. Film de guerre réalisé en période de conflit, l’impartialité n’avait que très peu de chances d’être préservée, Aventures en Birmanie courant le grand risque de lorgner du côté de l’œuvre de propagande va-t-en-guerre. L’indignation des soldats américains devant les cadavres de leurs camarades, condamnant l’inhumanité des japonais, ces « monkeys » comme ils les appellent, qu’ils ont tué par dizaines quelques heures plus tôt, peut en effet faire sourire. Le fait que les américains tirent de leur côté la couverture de l’Histoire, oubliant les anglais, Chinois et Indiens qui ont également payé le prix fort en Birmanie, date également le film, le plaçant plus du côté de l’œuvre patriotique que de l’hyper-réalisme historique. Libertés prises avec l’Histoire dans un film pourtant très précis, très concret dans sa représentation de la guerre, l’ayant d’ailleurs vu interdit en Angleterre à sa sortie. L’ajout d’une notice finale en 1952 (« The film is gratefully dedicated to the men of the American , British, Chinese and Indian Armies… ») réglera le problème. A des lieues du film de propagande, Aventures en Birmanie est donc pourtant indiscutablement une œuvre datée, marquée dans le temps par un contexte toujours bouillant et tirant justement ses couacs historiques de l’ultra-réactivité de sa réalisation par rapport à cette Histoire. Un film passionné en somme.
Là où Aventures en Birmanie reste aujourd’hui encore un spectacle exceptionnel et l’un des plus grands films de guerre jamais réalisés, c’est dans sa façon de manier les paradoxes : film daté et précisément situé dans le temps, Aventures en Birmanie est pourtant intemporel dans sa représentation de la guerre ; acteurs du conflit pourtant bien identifiés, l’impersonnalité qui les voit se fondre dans le groupe place le film à l’échelle de l’Homme plus qu’à celle d’une nation, d’une patrie. Tantôt réaliste, tantôt baignant dans une abstraction grisante, la mise en scène de Walsh et sa direction d’acteurs permettent cela. Le réalisme du traitement de l’armée (préparation de la mission ; saut en parachute…), l’impression d’ordre qui en découle allant totalement exploser au contact de la jungle selon Walsh. Filmé aux États-Unis mais loin des studios où se tournaient les films de guerre de l’époque, la Nature dans laquelle se retrouvent prisonniers les soldats américains, plus encore qu’un labyrinthe, a tout de la prison. La sensation de claustrophobie qui se dégage de cette course contre l’ennemi mais aussi contre la faim, la soif et la fatigue, arrive même à être communicative. Le décor, plus qu’un décor, devient acteur et Walsh, plus encore que par la clarté, l’épuration et le dynamisme avec lesquels il filme ses scènes d’actions, impressionne par sa mise en scène de l’espace. Climax géographique et émotionnel du film, l’attaque nocturne du camp de fortune des Américains par les japonais, de par sa tension, reste l’un des plus grands sièges jamais filmés. Lorsque dans l’abstraction nocturne de la jungle les japonais parlent américains pour tromper l’ennemi… Action d’une extrême lenteur qui sera pourtant la scène la plus nerveuse du film.