Autour de lui, il y a Laure dont il est fou, phrasé languissant et visage à la Anna Mouglalis, qui part s’installer à Londres ; son pote Alain, qui rencontre Leslie, fille d’ambassadeur américain qui veut étudier la « danse sacrée » ; Jean-Pierre, le solidaire qui prend pour les autres ; plus tard Christine, qu’il aimera – elle en retour, peut-être un peu moins que les films de propagande auxquels elle participe un temps. Il y en a d’autres, ils forment un microcosme, un groupe qui trace un sillon que les uns et les autres peuvent suivre, duquel ils peuvent s’éloigner, éventuellement y revenir. Après mai est affaire d’invidualités au sein d’un groupe qui revendique la collectivité – belle idée traversant le film de ne pas en faire des « camarades » jusqu’au-boutistes, mais des post-ados qui vivent surtout leurs premiers émois dans une époque propice aux bouleversements. Assayas les filme à leur hauteur, en nombreux plan-séquences, habituels chez lui (on comprend moins les mouvements de caméra verticaux à travers les feuillages). Ils ont tous un rôle à jouer, ensemble mais aussi un par un ; l’aventure se fait au gré des rencontres, elle peut être collective ou personnelle.
Le cinéaste, familier des histoires adolescentes, a imaginé Après mai comme prolongement de l’un de ses premiers films, L’Eau froide (1994). Ici, il tente l’universalité dans une temporalité ouverte : ses jeunes sont ceux d’hier comme d’aujourd’hui, l’engagement mis à part, peut-être. Le résultat est souvent inégal, le jeu approximatif de ses acteurs – tous sauf Lola Creton en sont à leur premier tournage et ont été castés dans la rue – ne tenant pas toujours la longueur dans le dispositif qui est le sien. C’est aussi ce qui en fait le charme : la jeunesse d’alors était peut-être plus révoltée, elle découvrait tout pareil l’amour et le fait de devenir adulte. Gilles, par exemple, n’en finit pas de finir ses histoires (« quand le réel vient frapper à ma porte, je ne lui ouvre pas »), dit adieu plus souvent qu’il n’étreint, parfois définitivement. Christine et Laure admirent leurs aînés engagés, c’est comme ça qu’elles tombent amoureuses. Tous évoluent dans une mise en scène sans esbrouffe – après un Carlos (2010) spectaculaire-, qui n’est pas la marque d’un manque d’ambition mais plutôt d’une certaine humilité.
Après mai est un film placide, par opposition à l’agitation de l’époque, témoin d’un militantisme déjà plus hérité qu’initié. C’est un film sur la génération de son auteur, celle qui vient juste après et qui, encore portée par ses idéaux, finit par ranger les utopies pour poursuivre un parcours finalement très délimité. Gilles l’illustre bien, lui qui, désireux de ne « pas apprendre le métier » de son père, réalisateur pour la télévision d’adaptations de Maigret, finira sur les plateaux de tournage à Londres, pas mécontent d’y être. Les mots qui clôturent le film sont extraits de l’acte de décès de l’Internationale situationniste, rédigé par Guy Debord, qu’Assayas a beaucoup lu à l’époque : Gilles et les autres sont désillusionnés, mais rassurés de voir que l’avenir est un peu moins flou. Il leur reste les souvenirs, les films de voyage en Super 8 projetés sur des draps dans le salon des parents. Et après mai, ils rêvent d’avant.