Si le film a été réalisé à la débrouille – avec seulement deux professionnels dans l’équipe, le chef opérateur et l’ingénieur du son – il trouve des qualités indéniables dans l’énergie de ses interprètes, la vitalité de ses dialogues et leur humour, alors que le film s’ambitionne par ailleurs comme un film noir. En dettes avec un chef de gang du quartier, Sombra, un ancien taulard, se voit menacé de mort s’il ne participe pas à « un coup ».
Le cinéaste peine à doser le film de genre, dont l’intrigue n’est vraiment pas assez captivante, avec une partie plus atmosphérique, notamment dans l’utilisation binaire du temps. La journée est réservée aux petits malfrats, à leurs embrouilles et discussions dans des ruines d’immeubles faisant office de bureaux improvisés. La nuit est l’espace de Sombra, rasta solitaire et mutique, qui refuse de se mêler au monde. Ignorant les intrigues – dans tous les sens du terme — il s’occupe de son iguane, appelé Dragon, et déambule sur les toits du quartier.
Basil Da Cunha suit les faits et gestes de son personnage à la lumière d’une lampe à pétrole, exploite les ombres et les couleurs des rues du bidonville créole. C’est cet aspect-là du film qui est le plus convaincant, développant une ambiance sonore et visuelle étoffée, épaisse et étrange. Culminant dans une scène de danse hypnotique, où Sombra, après avoir consulté un prêtre Vaudou, croise un fantôme, le film aurait gagné à être au plus près de son guerrier solitaire, à choisir l’ombre plutôt que la lumière.