American gangster, l’odyssée d’un mafieux dans les années 70, ses débuts, son apogée, et sa chute. Le tout étalé sur plus de deux heures et demi.
Vous croyiez jusqu’à maintenant avoir tout vu du gangstérisme, de Scarface au Parrain, en passant par Les Affranchis. Eh bien détrompez vous, car Ridley Scott a bien l’intention de renouveler le genre. Du moins c’est ce qu’il semble vouloir nous faire croire. Et quoi de mieux que de s’inspirer d’une histoire vraie pour donner un peu plus de crédit à un film qui ne fait que copier ses aînés. A croire que Ridley a un peu trop appliqué le scénar de Déjà vu de son petit frère Tony.
Ce n’est qu’enfoncer une porte ouverte que de s’interroger sur la légitimité de films qui n’apportent rien au cinéma alors qu’ils coûtent plus de cent millions de dollars. On a l’occasion d’en voir à la pelle chaque année, des remakes, des suites, des films de commande gros studios à l’appui. Et il y a aussi ceux de réalisateurs bankables qui ont de nos jours les coudées franches pour porter à l’écran la moindre de leurs envies. Mais n’est pas Spielberg qui veut.
Il est difficile d’attaquer le réalisateur de Blade Runner, de Duellistes, d’Alien ou de Thelma et Louise. Et pourtant. Il n’est plus à prouver que depuis le milieu des années 90 Ridley Scott s’est enfermé ou bien dans un conformisme visuel frisant le ridicule, G.I Jane, Hannibal, ou bien dans le tape-à-l’œil auteurisant, comme en attestent La chute du Faucon noir ou Kingdom of heaven. American Gangster se situe un peu entre ces deux tendances, film très académique en soi tout en mettant en scène la plupart des gimmicks que l’on aimerait ne pas voir. Etes vous prêts à faire la liste des poncifs ?
Tout film dépassant la barre fatidique des deux heures trente doit parvenir à procurer un sentiment d’ivresse et de liberté au spectateur, Danse avec les loup ou King Kong par exemple, ou à rendre passionnant un récit ponctué d’informations et d’histoires s’enchevêtrant les unes aux autres, J.F.K. ou Zodiac. Et là où Scorsese et Coppola ont dépeint toute une génération de gangsters avec une aisance frôlant l’insolence, la saga du Parrain et Les Affranchis sont inégalables, Ridley Scott se contente d’un montage parallèle plat et mou du genou faisant office de reflet visuel et idéologique blanc/noir, bon/méchant, bien habillé/débraillé. L’alternance Russell Crow/Denzel Washington ne parvient jamais par la force des choses à mettre en jeu l’enjeu de leurs vies, et la tension, si l’on en trouve une, se délie dans une intrigue cousue de fil blanc. Bienheureux le spectateur qui arrivera à être surpris par une ligne du scénario.
Deux questions viennent à se poser : est-il possible d’aborder le thème du gangster sans filmer tous les clichés s’y référant ? Scott ne nous épargne ni les plans sur la dope en laboratoire, ni les réunions de policiers, ni leurs planques, ni les réceptions du parrain, et, plus grave encore, il filme Denzel Washington en ersatz d’Al Pacino ou de Marlon Brando. Cela amène la deuxième question : qu’est-il arrivé à Scott ? Englué dans un cinéma conformiste, il n’est plus capable de mettre son talent au service d’une mise en scène enlevée, lyrique, prenant le spectateur aux tripes pour le secouer comme il savait si bien le faire au début de sa carrière.
American Gangster s’étale alors dans sa grandiloquence et sa prétention de faire du cinéma couillu, le tout sans aucune originalité.
Interminable et sans saveur.