Alice Comedies

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Quatre épisodes de la série des « Alice Comedies », réalisés par Walt Disney, ressortent en version restaurée.

Toonville était loin d’être une terra incognita quand Eddy Valiant y a posé les pieds en compagnie d’un lapin blanc sous LSD (Qui veut la peau de Roger Rabbit, Robert Zemeckis, 1988). Dans les années 1920, Walt Disney y avait déjà envoyé une petite pionnière en la personne de Virginia Davis, aka Alice. Si chez les frères Fleischer, les toons faisaient irruption dans le monde réel (Out of the inkwell, 1918), chez les frères Disney, c’est l’inverse : ce sont les acteurs en chair et en os qui s’incrustent dans les cartoons pour y vivre de folles aventures.

 


Les débuts de l’entreprise Disney

Contrairement à ce que l’on pourrait peut-être croire, le Walt Disney cinéaste ne s’est pas cantonné à l’animation « pure » mais s’est aussi aventuré dans la réalisation de films mêlant dessin animé et prise de vue réelle. Représentative de cette technique, la série des Alice Comedies débute en 1923, loin d’Hollywood alors que Disney n’est pas encore la marque mondialement célèbre que l’on sait. Avec Ub Iwerks – celui qui créera le personnage de Mickey Mouse – il fonde le studio Laugh-O-Gram Films basé à Kansas City. Six cartoons sont mis en boîte avant que la société ne fasse faillite l’année même de sa création. Disney n’envisage alors plus son destin ailleurs qu’en Californie où il décide de s’envoler, son dernier projet dans ses valises : Le Monde merveilleux d’Alice, l’épisode pilote de la série Alice Comedies. « La jeune Alice entre dans un studio de dessins animés pour voir comme ces derniers sont créés. Les animateurs lui montrent leurs productions. Les personnages des dessins prennent vie et jouent autour d’Alice, qui se réjouit de ces visions. La nuit venue, Alice est retournée dans son lit et rêve du monde des toons, Cartoonland qui l’accueillent et jouent avec elle. »

Margaret Winkler – déjà productrice de la série Félix le Chat et Ouf of the inkwell – est séduite par l’idée et décide donc de lancer la production de douze courts métrages dont la petite fille sera l’héroïne. La série marque les débuts de l’entreprise Disney Brothers Studios et l’arrivée d’Iwerks à Hollywood pour participer à l’aventure. Entre 1924 et 1927, année de l’arrêt de la production, la série affiche cinquante-six films au compteur et quatre petites Alice différentes dans le rôle-titre (Virgnia Davis, Margie Gay, Dawn Evelyn Paris et Lois Hardwick). L’héroïne tire sa révérence et laisse sa place à Oswald le lapin chanceux.

 


Une série burlesque emmenée par une petite héroïne

Pour réaliser ces court métrages, Walt Disney opte pour une technique complexe : via une caméra spéciale, les images tournées en prises de vue réelles sont projetées une à une sur la table de l’animateur où ce dernier trace ensuite les contours de l’actrice sur une feuille pour dessiner le monde animé qui l’entourera. Virginia Davis raconte : « Nous filmions dans un bâtiment vide. Walt recouvrait un grand panneau et le sol d’une bâche blanche et je devais jouer la pantomime. Ensuite, ils ajoutaient l’animation. »

Aujourd’hui, quatre de ces cinquante-six films ressortent en salles en version restaurée et sonorisée par les soins de l’Orchestre de Chambre d’Hôte : Le Pestacle de Far-West (encré par Lillian Bounds, la futur Mme Disney), La Maison Hantée (première apparition de Julius le Chat, frère presque jumeau de Félix), Alice Chef des Pompiers et Une Journée à la Mer (le tout premier épisode de la saga). Rebelle ou Raiponce sont souvent perçues à tort comme des précurseurs en matière de féminisme disneyen. Et pourtant, avant elles, la petite Alice en imposait déjà aux garçons de sa bande, sans être fille de roi ou promise à un destin exceptionnel. Avec ses jolies anglaises et sa petite robe, elle n’a pas peur des fantômes, pas plus que des pieuvres ou des incendies et peut même être un sheriff amateur de cigares. Typique de l’esthétique des films muets de l’époque (iris, regards caméra…), les Alice s’inscrivent avant tout dans la lignée des burlesques et autres slapsticks des années 20. Les courses poursuites, le détournement d’objets, les cascades et chutes en tout genre ne connaissent plus de limites grâce au dessin qui autorise toutes les exagérations possibles. Les poissons-vaches dansent, on fuit un incendie en descendant un escalier fait de notes, et les maisons se changent en fantômes. Tous les rêves d’Alice prennent vie à l’écran (même les chiens peuvent conduire des petites voitures pour aller à la mer), sonorisé par un orchestre adepte du mickey-mousing qui renforce encore la drôlerie de ces courts métrages. Et si quatre ne suffisent pas, d’autres épisodes sont disponibles sur internet – en bien moindre qualité, cependant.
 


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