Ala Changso

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Sur la route de Lhassa, ce road-movie spiritualiste est bouleversant. Sortie en VOD.

Un film rare et tibétain

Sorti dans les salles chinoises en octobre 2018, le film a connu un beau succès et il arrive en France précédé d’une réputation non usurpée. C’est en effet un film magnifique qui, de plus, nous fait mieux connaître la filmographie, la culture et les paysages d’un pays fascinant mais encore mystérieux en Europe, le Tibet. Son titre est la transcription d’une chanson populaire signifiant Bois un verre de cet excellent vin ! et que l’on devine vers la fin du film au moment où l’enfant et son beau-père commencent à mieux se connaître, voire à s’aimer. Le réalisateur, Sonthar Gyal, est né en 1974 à Tongde dans la préfecture autonome tibétaine de Hainan tout comme son ami le réalisateur Pema Tseden, à qui l’on doit les films Tharlo, Jinpa et Balloon. Celui-ci le persuade de le suivre à la prestigieuse Académie du film de Pékin où il étudie la photographie pendant deux ans. Après avoir été directeur artistique, puis réalisateur de deux longs-métrages, The Sun Beaten Path en 2011 et River en 2015, Sonthar Gyal réalise son troisième long-métrage, Ala Changso, en 2018, récompensé au Festival International du film de Shanghai. Il s’agit du tout premier film tourné en dialecte gyalrong. Outre le putonghua (mandarin standard), il y a encore deux autres langues parlées dans le film, amdo et khams, ce qui reflète la diversité linguistique de ces régions.

 

 

Une procession dans une nature éblouissante

Entre film documentaire et film de fiction, Ala Changso raconte pour commencer une belle histoire   de passation entre un homme et un enfant dans la communion avec les morts que la religion vénère particulièrement. Une jeune femme se réveille en pleurant dans son lit et l’homme qui dort à ses côtés parle de faire un feu pour honorer les défunts. On la voit ensuite aller à l’hôpital et on comprend qu’elle a une grave maladie qui n’est pas nommée. Dans le film, les choses apparaissent comme dans la vraie vie, sans y être préparé et sans explication. Peu à peu, on découvre que son premier mari est mort et que leur enfant vit chez ses grands-parents parce que le beau-père ne le tolère pas. Le film raconte alors le pèlerinage de prosternation que la jeune femme, bien qu’épuisée, veut entreprendre sur des mois et des mois pour se rendre à Lhassa demander l’aide du Ciel.

Au Tibet, certains dévots peuvent parcourir des centaines de kilomètres à pied. Ils se prosternent tous les trois pas tout en marchant. C’est la raison pour laquelle leurs mains sont protégées par des plaquettes de bois. Tout au long du périple, ils  psalmodient le mantra sacré de la grande compassion om mani padme hum, dont les six syllabes conduisent aux six purifications.

 

 

Travail sur le clair-obscur

C’est au cours de ce voyage que la caméra du réalisateur d’Ala Changso cerne ses personnages, perdus dans des paysages grandioses, et ne trouvant pas toujours les mots de l’amour et du pardon au sein d’une même famille. Le film superbe a été tourné dans les provinces du Sichuan et du Qinghai ainsi que dans la Région autonome du Tibet. Et sa magie vient en grande partie bien sûr du décor, du jeu des acteurs mais aussi et surtout du directeur de la photographie, Wang Weihua, connu pour son travail sur le clair-obscur du film Knife in the Clear Water (Wang Xuebo) en 2016. Pour Ala Changso, Wang Weihua a principalement travaillé de nouveau sur le clair-obscur lors de l’éclairage des scènes d’intérieur (en particulier sous les tentes) et en optant pour une lumière très vive et chaleureuse dans les grands espaces. On sort du film ébloui par ce voyage initiatique en découvrant des relations complexes entre humains torturés par leur propre histoire et, en même temps, éclairés et écrasés par la superbe présence du monastère de Lhassa au loin dans les montagnes enneigées.

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