About Kim Sohee

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Haro sur les stagiaires.

Dérives des stages en entreprises

Pour son deuxième long-métrage, après A girl at my door très remarqué à Cannes (Un certain regard) en 2014, July Jung s’inspire d’un fait divers pour en faire un film témoignage sur le néolibéralisme à l’oeuvre en Corée du Sud et presque partout dans le monde actuel et les conditions lamentables dans lesquelles les étudiants accomplissent leurs stages en entreprises. En effet, en 2020, la production lui propose de réaliser un nouveau film sur le drame d’une jeune fille qui, fin 2016, suivait une formation professionnelle dans un centre d’appel pour une grande entreprise de téléphonie à Jeonju. Ce scandale que, dans un premier temps, l’entreprise a essayé de nier, a tellement secoué le pays qu’il a presque contribué à la chute de Park Geun-hye, alors présidente de la Corée du Sud en grande difficulté et a, en tout cas, permis le changement de la loi sur les stages en entreprise. Et, pour le cas de Kim Sohee, il s’agit d’un stage dans une centrale d’appels nullement en liaison avec ses études professionnelles…

Un exemple universel

July Jung propose dans ce film une approche sincère et puissante de ces conditions puis elle la double d’un sorte d’enquête policière puisque la policière, Yoo-jin, décide de faire éclater la vérité, ce qui permet à la réalisatrice de montrer les rouages de la politique, de la police et des juges. Mais son film prend de la hauteur parce qu’il ne se cantonne pas à la vie coréenne : elle en fait vraiment un réquisitoire de l’exploitation de l’homme par l’homme, du moins en ce qui concerne les conditions de travail et de rémunération des étudiants qui sont placés en stage dans diverses entreprises. La France a bien sûr connu ce véritable problème il y a quelques années, quand le public a pris connaissance des conditions des stagiaires. La loi a, du coup, été vaguement modifiée puisque les stagiaires maintenant doivent être rémunérés a minima. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’ils ne soient plus exploités car on leur en demande de plus en plus, en nombre d’heures et en responsabilités. Certains ne sont même pas encadrés et doivent fournir le même travail, même si cela est prohibé par la loi.

Le harcèlement, plaie de nos sociétés

Ce film, dont les couleurs claires, quelquefois presque sépias, dues à Kim Il-yeon, apportent une dimension irréaliste au monde fade de l’entreprise et du néolibéralisme intéressé seulement par la finance, raconte donc l’histoire d’une jeune lycéenne au caractère bien trempé qui fait son stage de fin d’études chez Korea Telecom. Mais malgré sa résistance, son moral décline au fil des mois. Il y a un parallèle à faire d’ailleurs entre les deux longs-métrages réalisés par July Jung puisque, à la fois dans A girl at my door et dans About Kim Sohee, il s’agit d’une histoire de harcèlement. « Dans les deux cas, il s’agit de l’histoire d’une jeune fille et d’une femme, explique la réalisatrice dans le dossier de presse du film, qui ont environ vingt ans d’écart. A girl at my door est une fiction tout court, About Kim Sohee est tiré d’une histoire vraie. Les personnages principaux se trouvent face à une situation sans espoir qui les dépasse. Cependant la rencontre entre les deux femmes, dans chaque histoire, rend la situation encore plus difficile. Dans About Kim Sohee, les deux protagonistes se croisent une fois dans le film, mais c’est un événement furtif pour souligner l’impossibilité qu’elles se retrouvent l’une en face de l’autre […]  Nous avons perdu Sohee mais, grâce à elle, nous regardons à présent vers l’avenir ».

Titre original : 다음 소희; Daeum Sohee

Réalisateur :

Acteurs : ,

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Durée : 132 mn


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