A man

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Ce faux thriller interroge la crise de l’identité au sein de nos sociétés, plus particulièrement au Japon.

Magritte et la mise en abyme

Le tableau de Magritte, Reproduction interdite, accroché au dessus d’une cheminée au tout début du film et montrant un homme devant un miroir dont on ne voit que le reflet de dos est une belle illustration du film. Elle sera complétée à la toute fin lorsqu’on croira que le film et l’enquête se terminent lorsque le personnage central de l’avocat se place à son tour devant le tableau de dos, offrant une nouvelle opportunité à ce portrait gigogne. Car le propos de ce thriller, tiré du roman de Keiichiro Hirano, n’est pas seulement un enquête mais la description minutieuse d’un labyrinthe malgré la structure narrative assez classique du film. Le réalisateur en a conscience lorsqu’il déclare dans le dossier de presse du film : « Ce film à la trame complexe aborde cette question sous différents angles. Au fur et à mesure que l’identité de l’homme X – nommé Daisuke Taniguchi – est révélée, il devient de plus en plus difficile de savoir quelle partie de lui est vraie. Il ne s’agit pas d’un simple film à suspense dans lequel une réponse à la question qui est X ? est offerte à la fin. » 

Un grand cinéaste

On l’aura bien remarqué, en effet, A man est un film à énigme basé sur le principe du dédale et qui avance selon une narration semble-t-il classique, presque à la manière d’un Hitchcock ou d’un Chabrol, pour semer des chausse-trapes infinies qui laissent le spectateur dubitatif et attentif, même si la complexité du scénario peut s’avérer, in fine, un peu trop sophistiquée. Certains spectateurs risquent de se lasser, mais les amateurs de labyrinthes baroques boiront du petit lait, d’autant que les acteurs sont vraiment impeccables et le rendu à la fois des décors et des situations est magnifié par l’image parfaite due à Ryuto Kondo et Kenjiro Soh. Pour son sixième film, Kei Ishikawa crée la surprise donc avec ce film proposé dans la sélection Orrizonti à Venise l’année dernière et au festival Reims Polar 2023 dans la section Sang Neuf. Présenté aussi à la cérémonie des Japan Academy Prize 2023, l’équivalent nippon des Oscars, A man a fait sensation et place maintenant son réalisateur comme l’un des meilleurs cinéastes japonais contemporain, raflant les prix de Meilleur film, Meilleur réalisateur et presque tous les prix d’interprétation succédant à Drive my car de Ryusuke Hamaguchi multi-récompensé l’année précédente. Formé au cinéma dans la partie montagneuse au nord de Tokyo, et non dans la capitale, Kei Ishikawa s’est largement inspiré du cinéma européen du fait de son passage à l’école de Lodz en Pologne et qui a sans doute dû agir sur sa manière de filmer et aussi son engagement social, voire politique, qui lui a sans doute permis de construire un cinéma à la marge de ce qui se fait ordinairement au Japon.

Fragilité de l’homme en société

Tout son film joue justement sur la fragilité de l’identité psychologique et sociale de certains personnages, offrant ainsi un portrait éclaté de la société nippone. « J’ai l’impression, déclare le réalisateur dans le dossier de presse, que, surtout de nos jours, l’équilibre fragile entre la structure familiale et l’individu ne tient qu’à un fil. Quand vous êtes avec votre famille ou quand vous buvez un coup dans un bar, vous pouvez montrer des aspects complètement différents de vous-même, mais vous êtes pourtant une seule et même personne. Les sociétés qui encouragent le concept de l’amour unidimensionnel et de l’identité personnelle universelle rendent la vie presque insupportable pour les individus. » Et c’est tout cela que montre A man d’une manière implacable, minutieuse et quasi-entomologiste. 

Titre original : Aru otoko

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Durée : 121 mn


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