14 ans, premier amour

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Dans cette fourmilière des immeubles moscovites, un héros doit affronter une bande de l´école adverse pour gagner l´amour d´une fille.

Si vous connaissez le cinéma contemporain russe et la réalité russe, c’est sûrement grâce aux œuvres d’Andreï Zviaguinstev, Pavel Lounguine, Kirill Serebrennikov et Yuri Bykov, dont les films sortent en salles françaises une ou deux fois par an. Ces films démontrent la Russie sous la pression du pouvoir gouvernemental, déchirée par les conflits politiques et religieux, dénudent les problèmes sociaux et moraux mais vous racontent peu sur la vie quotidienne des gens ordinaires et des jeunes adolescents. A contrario de toutes attentes, le film d’Andreï Zaïtsev intègre cette liste des réalisateurs russes avec un film qui n’a rien à voir avec les images lugubres si typiques du cinéma russe. Le film 14 ans, premier amour est réellement une histoire d’amour très touchante sans aucun sous-texte politique ou religieux.

Le film est sorti dans les salles russes en octobre 2015, en même temps que Seul sur Mars (Ridley Scott) avec Matt Damon, et Everest (Balthazar Kormakur). Durant la première semaine, 14 ans, premier amour restait dans la dizaine des meilleurs box offices parmi les films d’actions et les films-catastrophes hollywoodiens, auxquels se joint également un film d’action russe, Le Guerrier (Alexei Adrianov). Sur ce paysage de films agressifs et irréalistes, l’œuvre d’Andreï Zaïtsev sort du lot et trouve la compassion dans les cœurs des jeunes spectateurs, éveillant l’envie d’en discuter après son visionnage.

 

Le phénomène du « Facebook à la russe »

La Russie contemporaine est également un pays des réseaux sociaux, et le réseau le plus populaire est VKontakte.com (« en contacte »). La statistique du site wwwmail.ru démontre qu’en 2016 presque 90 millions d’utilisateurs se rendait sur le site de Vkontakte mensuellement, contrairement à Facebook qui ne fait que 14 millions d’utilisateurs mensuels. Ce réseau social, créé à l’instar de Facebook, reste le plus populaire pour les russophones et y compris parmi les jeunes âgés entre 16 et 26 ans. Il n’est pas étonnant que réalisateur Andreï Zaïtsev ait choisi de chercher les jeunes comédiens parmi les utilisateurs de ce réseau. Ainsi, tous les comédiens principaux : Gleb Kalyuzhny en rôle de Liocha et Ulyana Vaskovith en rôle de Vika, mais aussi tous les adolescents du film, ont participé dans un concours des « profils » de Vkontakte en apportant au film sa magnifique touche réaliste et très convaincante.

Quand un garçon se transforme en un homme

Les premières images du film ce sont les fenêtres des immeubles-fourmilières des quartiers dortoirs moscovites. Dans cette formière Liocha doit affronter une bande de l’école adversaire pour gagner l’amour de Vika. Le réalisateur traite des premiers problèmes d’amour des écoliers avec beaucoup de sympathie et d’ironie douce, en montrant que tous les chemins leurs sont encore possibles et que leur futur mérite d’être vaincu. Liocha, le Roméo de l’intrique, est vêtu d’un T-shirt de Superman quand il affronte la bande des skinheads. Mais même « les méchants » respectent « le code de la dignité de la rue » et laissent Liocha partir quand ce dernier ne les balance pas aux policiers, s’arrêtant à côté d’eux pour s’assurer que tout va bien. Le réalisateur, qui est également le scénariste du film, marque le clivage entre différents groupes des jeunes, mais il l’inscrit dans le contexte d’initiation pubertaire nécessaire pour que chacun entre eux puisse s’épanouir et avoir le droit d’aimer librement. Dans ce récit il n’y a pas de drame et d’horreur liés aux histoires des gangs des rues, mais il s’agit plutôt d’un conte magique avec ce frisson produit par l’attente du nouveau et de l’interdit.

 

 
La sensualité douce

La musique du film qui accompagne les jeunes en permanence était également choisie par les adolescents via les réseaux sociaux, et on y trouve beaucoup de bandes rétro comme, par exemple, une chanson d’ouverture interprétée par Andriano Celentano, ou la fameuse Je t’aime, moi non plus Serge Gainsbourg, qui accompagne la scène où Liocha scrute les photos de Vika sur internet en se torturant du choix insurmontable s’il doit oser lui envoyer un message ou l’ajouter en tant qu’amie. Liocha porte des regards longs et attentifs sur les lèvres sensuelles et le cou dénudé de Vika. Ce sont les mêmes regards qu’il jettera sur les images du premier bal de Natacha Rostova et Andreï Bolkonski, faisant partie de l’héritage littéraire au moment de l’apprentissage de Guerre et Paix de Léon Tolstoï. Cette curiosité charnelle est placée dans la réalité assez rude des discothèques lycéennes mais le film arrive à se passer de toute vulgarité. Le thème du premier amour, accompagné par la musique nostalgique, « parle aux jeunes » mais également à leurs parents. Le film fait un pas envers le rapprochement possible entre les adultes et leurs enfants, en leur faisant comprendre que les petits ont grandi et que le moment est venu de l’accepter.

Titre original : 14 ans, premier amour

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Durée : 106 mn


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