Débris de Frontière
Mais l’Ouest semble avoir perdu sa grandeur mythique : aussi vastes soient-ils, les décors de western qu’offre le Wyoming n’évoquent plus que le froid, le vide et la mort. Ne circulent plus parmi ces grands espaces les John Wayne, James Stewart et Clint Eastwood d’autrefois, et le pâle Cory (Jeremy Renner), humble chasseur et fin connaisseur des coutumes de la réserve, n’assurera pas leur relève.
En se plaçant du point de vue des Amérindiens – ou plutôt, d’un point de vue hybride, étant donné que Cory a épousé une Amérindienne –, Wind River montre l’envers de l’Ouest, et comment un paysage traditionnellement associé à la liberté dans le western peut devenir synonyme de prison et d’enfer sur terre. Par son traitement réaliste, ce thriller explore ainsi les maux récurrents qui frappent les Amérindiens : alcoolisme, drogues, violences, chômage… Les mythes ne résistent pas, et seuls errent encore çà et là des fantômes, à l’instar de ces mineurs blancs, attirés par un argent supposément facile et désespérés par une région où ils ne trouvent rien à faire.
Une mise en scène timide
Mais l’équilibre entre la dignité humaine et le pathos est difficile à tenir. Si l’on ne peut reprocher aux acteurs la justesse de leur jeu, tout en retenue, on peut en revanche garder des réserves à l’égard de la musique, souvent utilisée de manière redondante – et donc nuisible – par-rapport au jeu d’acteur. Ainsi de la séquence où Cory détaille par le menu la disparition suivie de la mort de sa fille des années plus tôt, séquence inutilement ruinée par les grincements pathétiques des violons, alors que les jeux de Jeremy Renner et d’Elisabeth Olsen (qui joue l’agent du FBI chargée de la mission à Wind River) dégagent déjà assez d’émotivité.
En un mot, la forme, assez classique, n’ose pas autant que le propos subversif. Peut-être cela tient-il également au regard somme toute misérabiliste porté sur les habitants de la réserve, le plus souvent présentés comme passifs et fatalistes. N’en pouvait découler qu’une mise en scène prude, à la limite d’une pudeur excessive.