The Raid

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The Raid signe le retour du cinéma d´action pur sur grand écran avec une classe et une énergie grisante.

 S’il est courant pour un réalisateur asiatique de tenter une expérience américaine (John Woo, Ringo Lam, Tsui Hark…), le parcours inverse est en revanche bien plus rare. C’est pourtant le défi qu’a choisi de relever le gallois Gareth Evans en s’installant en Indonésie après avoir découvert l’art martial local, le Silat à la suite d’un documentaire réalisé sur place.  Il repère alors un jeune prodige de ce style de combat, Iko Uwais, qui deviendra son chorégraphe attitré et acteur principal pour Merantau  (leur premier film) et bien sûr The Raid. Tourné sur place en langue indonésienne (malgré une coproduction américaine), le second métrage de Gareth Evans profite ainsi de ce métissage inédit pour  élaguer au maximum les séquences narratives dialoguées et fédérer ainsi plus efficacement un public international autour du langage visuel, du rythme et d’ impressionnants duels à mains nues.


 

Prônant le pragmatisme jusqu’à l’épure, Gareth Evans ne s’embarrasse pas d’une intrigue à rallonge (une équipe de policiers infiltre un immeuble pour faire tomber un baron de la drogue), et puisqu’il s’agit avant tout d’action pure et dure, Evans propose de mener ses enjeux minimalistes à la manière d’un jeu vidéo. Le héros et ses coéquipiers démarrent ainsi leur périple au-rez-de-chaussée, éliminant à chaque étage tous les ennemis potentiels, l’objectif étant d’atteindre le niveau abritant le grand méchant. La verticalité du lieu devient ainsi un vecteur majeur de narration : si le héros monte, c’est qu’il progresse ! Et bien que le réalisateur tente tout de même d’introduire certaines thématiques (comme celle de la fraternité, assez mal exploitée) afin d’enrichir un minimum ses personnages, l’intérêt de The Raid et bel est bien ailleurs, tenant tout entier dans son concept de tension permanente, où l’enjeu suprême n’est rien de plus qu’une survie animale dans un lieu où absolument tout le monde semble manifester une hostilité farouchement meurtrière.

Là où Gareth Evans aurait pu pêcher par une surenchère et une répétitivité a priori inhérente à un tel concept, The Raid fait preuve au contraire d’une gestion très calculée du rythme et de sa progression tout au long du métrage. La séquence d’infiltration, sourde et tendue, joue avec l’iconisation de ses flics suréquipés, pénétrant un bâtiment délabré et pratiquement désert en apparence, pour retourner ensuite radicalement la situation au moment où l’alarme est donnée, alertant ainsi des dizaines d’habitants totalement acquis à la cause du boss et, le hasard faisant, à peu près tous virtuoses en arts martiaux ! Les chargeurs se vident, les armures tombent, les murs se désintègrent, et toutes les règles avec ! Car si la progression de The Raid est principalement verticale, elle se vérifie aussi par le rapprochement progressif des corps lors des combats, d’abord mis à distance par les armes à feu et les champs/contrechamps, puis réunis par les cadrages avec l’utilisation des armes blanches puis des spectaculaires techniques de combats à mains nues.
 


Car la mise en scène d’Evans, en plus d’être relativement maligne dans sa lente montée en puissance, s’éloigne nettement des canons actuels en matière de films d’actions qui privilégient souvent le dynamisme frénétique à la lisibilité scénographique. Ici, l’équilibre est trouvé. La caméra est au cœur de l’action mais met en valeur la performance de ses acteurs grâce à des échelles de plans mesurées, le tout dénué d’inserts, donnant une impression de fluidité et de brutalité jouissive. La violence souvent démesurée des combats prend ainsi toute son ampleur, d’autant qu’Evans cherche l’efficacité à tout prix, quitte à se priver de plans séquences démonstratifs au profit d’une nervosité de chaque instant. Il aurait d’ailleurs été dommage de saccager le travail stupéfiant abattu par les cascadeurs-acteurs, qui déploient à l’écran des trésors de chorégraphies inconscientes avec une réelle classe. D’autant que les principaux personnages se révèlent relativement bien campés, comme l’illustre l’ultime (et interminable) affrontement entre les trois principaux protagonistes, laissant le spectateur extenué par une telle démonstration de virtuosité hargneuse et viscérale.

Dommage cependant qu’Evans n’ait pas davantage retaillé l’ensemble de son montage pour extraire un bon quart d’heure de dialogues, qui au lieu d’enrichir la dramaturgie, gâchent la tension pourtant très précisément installée durant un premier acte irréprochable. Le concept même du film est un peu amoindri dans le dernier tiers, donnant l’impression que Gareth Evans tente de rattraper in fine une toile narrative qu’il semblait avoir pourtant volontairement ignoré jusque-là. Une maladresse finale un peu inattendue, qui dilue le rythme du film mais n’entache heureusement pas ses qualités d’actioner jouissif et spectaculaire. Réussissant un mariage d’influences prestigieuses et internationales (le premier tiers évoque autant Assaut de Carpenter que le Jonnie To de Breaking News), The Raid dépasse son statut de (très) petit budget et parvient sans peine à s’imposer comme l’un des meilleurs films d’action de ces dernières années.

Titre original : Serbuan maut

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Durée : 101 mn


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