The Hit

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Willy Parker (Terence Stamp) se tient bien droit face aux juges. Regard vif et flegme tout britannique, il répond sans sourciller aux questions de l´avocat. Il balance, Willy. Tous ses collègues, son patron y compris. C´est qu´on lui a fait une belle offre en échange : la liberté. A la fin de la séance, ses […]

Willy Parker (Terence Stamp) se tient bien droit face aux juges. Regard vif et flegme tout britannique, il répond sans sourciller aux questions de l´avocat. Il balance, Willy. Tous ses collègues, son patron y compris. C´est qu´on lui a fait une belle offre en échange : la liberté. A la fin de la séance, ses désormais ex-collègues entonnent cette chanson : << On se reverra. On ne sait où, on ne sait quand. >>

Stephen Frears signe avec The Hit son deuxième film, treize ans après Gumshoe. Mariage entre le polar et le road movie crépusculaire, The Hit met en scène une troupe d´acteurs << à gueule >> : le génial et pince sans rire Terence Stamp, bien sûr, mais aussi John Hurt, minimal et introverti à souhait, ainsi que Tim Roth dans son premier rôle, celui d´un jeune chien fou difficilement contrôlable. La gouaille des acteurs serait un critère suffisant à l´appréciation de ce film ; à condition toutefois de tirer un trait sur l´horripilante version française. Mais il y a plus.

Il y a cette histoire, cette tragi-comédie relatant le parcours de deux hommes lancés sur la route vers la mort, essayant chacun de la gérer comme ils le peuvent. Selon les dires mêmes de Stephen Frears, << The Hit raconte l´histoire d´hommes qui tentent de mourir de la meilleure façon possible. L´un d´eux rêve d´une mise en condition spirituelle, l´autre, son tueur, sait parfaitement que la mort n´est qu´un commerce sordide ; c´est un film sur l´illusion et la désillusion et la terreur qu´inspire la tombe. C´est une comédie, en fait... >>.

Il y a cette tragédie métaphysique : Willy affiche une sérénité parfaite qui déstabilise les tueurs. Son sourire résolu énerve le jeune Myron. Ça fait dix ans qu´il attend ça. Il a passé toutes ces années à lire des bouquins et à se préparer à sa mort. << La mort est un processus naturel >>, dit-il << autant que respirer >>. Et puis, tout le monde y passe, un jour où l´autre, pas de crainte à avoir… Et pourtant, Willy n´accepte pas la mort aussi bien qu´il le prétend. Il craque. Il tente de s´échapper pour la première fois alors même qu´il avait aidé ses tueurs, au cours des séquences précédentes, à continuer leur périple en évitant les pièges qui auraient mené la police sur leur trace. Sa sérénité spirituelle s´efface soudainement lorsqu´il se retrouve face à son exécution. L´adage est bien connu : << On ne sait qui l´on est tant que l´on n´a pas été mis à l´épreuve >>. Willy aurait pu passer dix années de plus à s´y préparer, cela n´aurait rien changé. Peu importe combien de temps l´on repousse la chose : << On se reverra. On ne sait où. On ne sait quand >>.

Il y a cette sourde confrontation à distance entre un chasseur et sa proie. Mr Braddock est un professionnel de longue date. Cela fait des années qu´il << remplit >> des contrats. Il ne semble pas toujours particulièrement au sommet de sa forme, un brin lointain et mélancolique. Pour échapper à la police, lui, son apprenti et son contrat se dirigent vers Madrid dans un appartement servant de planque où ils pourront changer de voiture. Là, ils tombent sur une ancienne connaissance, Harry, qui a entendu parler de leurs affaires par les journaux. Braddock accorde la vie sauve à Harry en prenant sa copine pour otage. Jeune espagnole aux formes généreuses dont le jeune Myron ne tarde pas à s´enticher, elle est pour Harry une perle, le véritable amour. Mais le véritable amour n´est pas suffisant pour fermer sa gueule lorsque l´on connaît le montant de la récompense offerte par les flics pour toute info concernant l´enlèvement de Willy Parker. Figure du bourreau, Mr Braddock marche aux côtés de la mort. Se situant à l´opposée de Willy, il ne théorise pas, il sait. Mais le savoir n´est pas forcément synonyme de paix.

Puis il y a le face-à-face, scène aux forts relents mystiques. Braddock hésite. Willy lui explique sa conception de la vie et ce qu´il a le plus retenu des tonnes de bouquins qu´il a ingurgités : s´il y a une chose à ne pas rater dans la vie, c´est sa mort. Cette discussion permettra à Mr Braddock d´accepter son passé et de repositionner les rails de son destin pour mieux choisir sa mort. Le vrai héros du film, c´est lui.

Cette profondeur sous-jacente assure la pérennité du film. Dépassant la simple comédie linéaire << à l´anglaise >>, The Hit regorge de non-dits et multiplie les pistes de lecture, prolongeant ainsi notre plaisir bien après le générique. Que dire de plus, sinon qu´il y a fort à parier qu´en croisant un jour une personne qui a elle aussi découvert ce film, on aura l´impression de partager avec elle un secret commun…

Titre original : The Hit

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Durée : 100 mn


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