Seven Swords (Chat gim)

Article écrit par

A l’aube des années 1660, la Mandchourie annexe la Chine pour y installer la dynastie Ching. A la suite des multiples insurrections contre le gouvernement, ce dernier interdit l’étude et l’exercice des arts martiaux afin de maintenir l’ordre et la discipline dans le pays. Fire-wind, chef militaire de la dynastie précédente, aide le gouvernement à […]

A l’aube des années 1660, la Mandchourie annexe la Chine pour y installer la dynastie Ching. A la suite des multiples insurrections contre le gouvernement, ce dernier interdit l’étude et l’exercice des arts martiaux afin de maintenir l’ordre et la discipline dans le pays. Fire-wind, chef militaire de la dynastie précédente, aide le gouvernement à faire appliquer la nouvelle loi pour s’enrichir. Il a projeté de s’attaquer à la dernière ville frontière, petite bourgade du nom de Martial Village, dont les habitants sont réputés rebelles et courageux…

Tsui Hark, grand maître artificier du cinéma hongkongais des années 80, n’est probablement plus à présenter. Au même titre que John Woo, il pleinement contribué à la reconnaissance du cinéma de son pays à l’étranger, notamment auprès d’un public occidental qui a soif de créativité « exotique ». La créativité, voici sans doute la marque de fabrique du cinéaste, et ce ne sont pas ses précédentes œuvres à succès telles que The Blade, Time and Tide ou la saga Il était une fois en Chine qui contrediront cette affirmation. Le Wu Xia Pian est un genre cinématographique qu’il maîtrise bien. Et c’est avec Seven Swords qu’il signe son grand retour.

Impossible de ne pas penser, dès le début, à l’esthétique de Hero et du Secret des Poignards Volants de Zhang Yimou : une peinture animée à l’écran, d’une beauté éclatante ; des couleurs magnifiques, des costumes resplendissants, et une image propre. Mais la suite est moins reluisante, car loin d’égaler ces films majeurs, Tsui Hark semble s’enfermer avec Seven Swords dans un genre dont il a pourtant été à l’origine du renouveau.

On exigeait peut-être beaucoup trop du cinéaste, son film suscitant dès lors la déception. Sa relecture des Sept samouraïs de Kurosawa est trop fade. L’esthétisme forcené du métrage ne suffit pas à lui offrir l’intérêt plus fondamental. De trop nombreuses zones d’ombre couvrent le film. A commencer par la facilité avec laquelle le metteur en scène se repose sur le charisme de ses acteurs. Ceux-ci se perdent dans des dialogues parfois lourds.

L’aspect formel est pourtant très réussi. La mise en scène montre à nouveau, sans aucun doute, l’aisance et l’expérience de Tsui Hark. « On n’apprend pas à un vieux singe à faire la grimace », c’est un peu le sentiment que provoque le jeu sur les cadrages du maître asiatique. Chaque mouvement de caméra, chaque plan, est d’une précision déconcertante. On pourra cependant se pencher sur certaines scènes de combat qui manquent quelque peu d’originalité.

Occasion ici faite de noter que parfois, les ressort de l’intrigue et leurs issues demeurent prévisibles. Parfois aussi, l’impression de platitude domine. Le récit s’installe dans une certaine torpeur, le manque flagrant de rythme rendant le nouveau long métrage de Tsui Hark trop linéaire, voire à certains moments long et ennuyant. 2h30, n’était-ce pas là un peu trop ambitieux ? Et pourtant ce n’est ici que la version courte ! Mais paradoxalement, elle a été amputée de ses passages les plus liants peut-être. C’est la liaison justement, qui manque cruellement par instant, comme si les scènes étaient simplement juxtaposées sans que le cinéaste ne se soucie de la cohésion d’ensemble. La version originale a été massacrée, faisant du montage une douloureuse et périlleuse épreuve.

Seven Swords n’est pas un chef-d’œuvre du genre. Retour en demi-teinte donc pour un auteur à la filmographie immense. Cruel constat, mais Ang Lee et Zhang Yimou l’ont battu sur son propre terrain.

Titre original : Chat gim

Réalisateur :

Acteurs : , , , , ,

Année :

Genre :

Durée : 145 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

L’Aventure de Madame Muir

L’Aventure de Madame Muir

Merveilleusement servi par des interprètes de premier plan (Gene Tierney, Rex Harrison, George Sanders) sur une musique inoubliable de Bernard Herrmann, L’Aventure de Madame Muir reste un chef d’œuvre inégalé du Septième art, un film d’une intrigante beauté, et une méditation profondément poétique sur le rêve et la réalité, et sur l’inexorable passage du temps.

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Autopsie grinçante de la « dolce vita » d’une top-modèle asséchée par ses relations avec des hommes influents, Darling chérie est une oeuvre générationnelle qui interroge sur les choix d’émancipation laissés à une gente féminine dans la dépendance d’une société sexiste. Au coeur du Londres branché des années 60, son ascension fulgurante, facilitée par un carriérisme décomplexé, va précipiter sa désespérance morale. Par la stylisation d’un microcosme superficiel, John Schlesinger brosse la satire sociale d’une époque effervescente en prélude au Blow-up d’Antonioni qui sortira l’année suivante en 1966.

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur terminale

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur terminale

En 1958, alors dans la phase de postproduction de son film et sous la pression des studios Universal qualifiant l’oeuvre de « provocatrice », Orson Welles, assiste, impuissant, à la refonte de sa mise en scène de La soif du mal. La puissance suggestive de ce qui constituera son « chant du cygne hollywoodien » a scellé définitivement son sort dans un bannissement virtuel. A sa sortie, les critiques n’ont pas su voir à quel point le cinéaste était visionnaire et en avance sur son temps. Ils jugent la mise en scène inaboutie et peu substantielle. En 1998, soit 40 ans plus tard et 13 ans après la disparition de son metteur en scène mythique, sur ses directives, une version longue sort qui restitue à la noirceur terminale de ce « pulp thriller » toute la démesure shakespearienne voulue par l’auteur. Réévaluation…