Samba Traoré

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Un condensé des thèmes irriguant toute l’oeuvre d’Idrissa Ouedraogo.

Samba Traoré est un film aussi simple que beau, dans lequel on retrouve un certain nombre de thèmes et de motifs qui irriguent toute l’oeuvre d’Idrissa Ouedraogo : des amours mises en péril voire rendues impossibles, les conditions de vie modestes dans un petit village burkinabé, le hiatus entre ville et campagne, mais aussi des personnages féminins forts, et une joie têtue que l’on garde malgré toutes les difficultés du quotidien…

Plus accessible sans doute que d’autres longs métrages d’Ouedraogo, Samba Traoré mêle les genres et les tons – la tragédie et la légèreté, la romance et le film d’enquête criminelle – pour finalement dégager un air très grisant de liberté et de singularité. Ouedraogo y allie une fois de plus documentaire et fiction, tout en se plaisant à égrener des fausses pistes – en raconteur d’histoires gourmand et nouveau griot (conteur traditionnel en Afrique de l’ouest).
Idrissa Ouedraogo était un scénariste et réalisateur sobre, juste et éloquent, qui n’avait pas besoin d’appuyer à outrance ses émotions ou ses situations. Il arrivait bellement à dire énormément de choses en peu de mots et peu de plans. Il avait l’art de s’inféoder à ses intrigues, humblement et admirablement. Ouedraogo savait être simple. Un sifflet et la chanson de Siribi jouée autour d’un feu de bois suffisent ainsi à égayer des parents et un fils qu’ils retrouvent.
Dans Samba Traoré, lorsque la mère revoit son fils après une longue absence, elle ne prononce pas une parole. Elle lui tend seulement une calebasse remplie d’eau, et ce simple geste suffit déjà à dire sa joie et son amour. A Ouedraogo revient le mérite d’octroyer tellement d’importance et d’ampleur à des gestes qui peuvent apparaître au premier abord anodins ; à rendre aussi consistant et fort chacun de ses personnages à l’écran, même ceux qui restent quasi-muets ou qu’on pourrait qualifier de « secondaires ». En les regardant, en prenant bien le temps de le faire, en plaçant sa caméra avec justesse, il leur confère dignité, noblesse et beauté. Il n’a pas, pour cela, besoin d’effets surajoutés ou de mouvements d’appareil arrogants.
Chez lui on trouve essentiellement des plans d’ensemble et des plans-séquences, mettant en valeur le décor dans lequel se trouvent les personnages, et le temps qui s’écoule, correspondant aussi au choix de s’effacer devant des personnages et des histoires.
On apprécie ici aussi les comédiens, joliment servis : notamment la rayonnante Mariam Kaba et l’irrésistible Irène Tassembédo, qui amène une belle touche d’humour dans le personnage de Binta qui porte pour ainsi dire la culotte dans le couple un peu inattendu qu’elle forme avec Salif, largement plus petit qu’elle en taille.

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