Rouge comme le ciel

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En nous éclairant sur l’enfance du plus grand ingénieur du son du cinéma italien, ce film réussit l’exploit de nous émouvoir en transformant un handicap en don artistique et propose, mine de rien, des pistes pour comprendre le monde.

En adaptant à l’écran la jeunesse de Mirco Mencacci, un des ingénieurs du son les plus talentueux d’Italie, Cristiano Bortone nous offre un film tout public, particulièrement réussi et magique. En effet, en montrant la genèse d’un art et d’une vie, hélas amputée par un stupide accident qui va rendre l’enfant aveugle, il nous offre à la fois de l’espoir et revient aux origines du son, expliquant par l’image comment on peut voir l’invisible, en écoutant les bruits de la nature et en les enregistrant pour les restituer par un montage savant. Un des aspects indispensables du cinéma qu’on aurait tendance à peu mettre en avant.

Préférant souvent les images aux sons, la bande son et le travail de l’ingénieur du son paraissent souvent laissés pour compte par les critiques, et par les spectateurs. Rouge comme le ciel leur rend hommage, et ce n’est pas non plus son seul mérite. En racontant l’histoire de Mirco, qui perd la vue à l’âge de dix ans et qui va se retrouver dans un Institut spécialisé de Gênes loin de la douceur de vivre de son village, de l’amour de ses parents et des séances de cinéma dont il était fan avec son papa, Cristiano Bortone tisse une histoire quasiment universelle qui parle d’amour, de ténacité et de solidarité. Par un hasard tel qu’il en survient souvent dans la vie, mais qu’on ne sait pas toujours exploiter, Mirco va découvrir un magnétophone qui va transformer sa vie. Alors que l’institut, religieux et rigide, tenu par la main de fer d’un directeur lui-même mal-voyant et borné, ne propose aux enfant que des métiers subalternes de tisserand ou de standardiste, Mirco avec l’aide d’un prêtre, de la dame préposée à l’entretien et surtout de la fille de la gardienne va tenir bon et réaliser son rêve.
 

Récompensé dans de nombreux festivals, notamment du Grand Prix au Festival du film pour la jeunesse de Montréal, et aussi à celui de Flandres, Rouge comme le ciel est fait pour enchanter les enfants qui y verront certainement matière à tenir bon, à ne pas abandonner leurs rêves et surtout à faire face à l’adversité, sans jamais paraître ni moralisateur ni gnangnan. À la suite du Festival Itinérances d’Alès, la jeune Laurine s’est exclamée, nous rapporte le dossier de presse : « Et si on fermait les yeux nous aussi ? » C’est exactement l’envie que procure ce film notamment dans ce magnifique passage où, alors qu’ils sont juchés sur un arbre, Mirco explique à son nouveau camarade aveugle de naissance, ce que sont les couleurs, d’où d’ailleurs le titre mystérieux du film. Hommage aux voyelles de Rimbaud, à la Toscane, au cinéma de Fellini et de Tornatore, Rouge comme le ciel s’inspire sans doute aussi d’Antoine de Saint-Exupéry qui, dans Le Petit Prince, faisait dire au renard : « On ne voit bien qu’avec le cœur, le reste est invisible pour les yeux. »

Ici, se déroule pourtant sous nos yeux, la démonstration brillante de ce que serait le monde sans qu’on puisse le voir, seulement s’en souvenir ou l’imaginer. Sur ce thème qui n’aurait pas déplu à Socrate, le film propose mine de rien des pistes pour comprendre le monde, d’où l’allégorie du colin-maillard et du spectacle de fin d’année scolaire auquel les parents assistent les yeux bandés. Pour une fois, le son est roi et les enfants aveugles et mal voyants du film font le mur de l’institut, comme dans un film de Truffaut, pour aller assister à la projection d’un film comique. C’est sans doute une des plus belles leçons de ce film, qui nous dit en substance de ne jamais désespérer et de voir l’invisible avec ses oreilles et son cœur.

Titre original : Rosso come il cielo

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Durée : 96 mn


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