Roubaix, une lumière

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Brasier et expiation.

Le choix du titre du dernier film d’Arnaud Desplechin, Roubaix, une lumière, trouve à s’incarner dès son ouverture. La ville natale du cinéaste, décor récurrent de son œuvre et dont la présence est ici presque personnifiée, est filmée de nuit, sous un rideau pluvieux et hivernal en ce soir de Noël, déroulant le parcours en voiture quotidien de Daoud (Roschdy Zem), commissaire local. Des guirlandes scintillent mais ni les lueurs magiques qui impriment l’image, ni la lumière des lampadaires ne rehaussent la sombre détresse sociale et économique qui marque les rues et leur tristesse. Une voiture incendiée agit comme le flambeau effrayant de la ville et nous amène jusqu’au commissariat, dont le quotidien va rythmer le film, à travers l’enquête mettant en cause deux jeunes femmes dans l’assassinat d’une vieille dame.

Fait divers et incandescence

Comme les deux faces d’une même pièce, la violence de Roubaix et la virgule du titre qui la raccorde à la lumière sont les socles du film, ses deux forces principales, composées d’incandescence et de désespoir. Arnaud Desplechin déroule de fait le long métrage à partir de deux trames : l’une, concrète, partant de ce fait divers qui, comme l’indique un carton inaugural pour préciser les intentions du réalisateur, « s’est réellement passé », au début des années 2000 à Roubaix ; et une autre plus abstraite, qui forme un arrière-monde, et est représentée par le jeune policier spirituel Louis Cotterelle (Antoine Reinartz) ainsi que, dans une autre mesure, par l’intériorité mystérieuse du commissaire Daoud. L’enquête et la chronique de la vie du commissariat forment la fiction réaliste patinée de polar sur laquelle le cinéaste développe de nouvelles gammes. Les méandres familiaux et choraux qui hantent la majorité de ses films laissent ici en effet la place à un tableau blafard, au montage sec, de vies éparses et esseulées, de déclassés dont la fragilité et les cassures se reflètent dans l’œil inquiet de Daoud, lui-même tourmenté par son passé et ses fuites, comme lorsqu’il pose son regard sur une peinture algérienne dans la famille d’une jeune fugueuse chez qui il se rend.

 

 

« La mort de quelqu’un, c’est jamais prémédité »

Ce mélange issu de différents gestes poétiques : coller au réel et relater le fait divers, dépeindre les conditions sociales des protagonistes tout en y ajoutant une ombre plus métaphysique – caractéristique de l’œuvre du cinéaste – à travers la religiosité de Louis et ses lectures philosophiques font prendre au film un tour parfois opaque et confus, planant de façon déséquilibrée au-dessus du récit. Le cinéaste fait le choix, dans la dernière partie de l’œuvre, de se focaliser sur la confrontation entre les des deux prévenues, Claude (Léa Seydoux) et Marie (Sara Forestier) interrogées sans relâche, en plans serrés, par les deux policiers. Pâles, les visages ravinés par des lumières blanches, les deux actrices traduisent toute la pauvreté sociale, culturelle, économique, qui accable leurs personnages, une insistance (la scène de la reconstitution du meurtre) qui, dans le film de Desplechin, prend les traits d’une expiation (« la mort de quelqu’un, c’est jamais prémédité », clamera Marie) aux accents religieux. Une expiation qui paraît extraite de mains fortes, vue en surplomb, reléguant les deux femmes dans leurs figures de meurtrières écrasées par leur condition, et donnant l’impression que le cinéaste refuse, injustement, de leur donner le droit à un arrière-monde dont il aura pourtant doté Daoud et Cotterelle.

 

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Durée : 119 mn


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