Qu’importe que les bêtes meurent

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Grand Prix du Jury du Festival Sundance 2020, le dernier court-métrage de Sofia Alaoui, nous émeut car il aborde avec une certaine finesse des questions fondamentales.

Au fin fond des montagnes du Haut Atlas, un homme remplit une mangeoire pour nourrir ses bêtes ; la lumière est sombre. Sommes-nous le soir ou à l’aube ? Nous ne le savons pas mais l’essentiel est dit avec cette première séquence car elle nous dévoile clairement l’idée que veut nous donner le cinéaste de la permanence du temps à travers les gestes de ce berger, Abdellah, qui se répètent chaque jour depuis des siècles. Ici, l’ordre est théologique, c’est Dieu qui gouverne la vie des hommes, Dieu que l’on prie chaque jour et à qui l’on attache son destin.

Pourtant, cet ordre de plusieurs siècles va être bouleversé. Abdellah doit rejoindre le village avec son mulet pour trouver du grain pour ses bêtes. Il trouve la ville désertée par ses habitants et apprend que des individus extra-terrestres sont apparus dans le ciel…

Avec ce très beau court métrage de fiction, Sofia Alaoui, auteur aussi de documentaires, dont le très remarqué Les Enfants de Naplouse (France 3, TV5), nous offre une fable philosophique étonnante en utilisant un réalisme assez classique qu’elle mélange avec un subreptice et soudain climat fantastique. Sofia Alaoui nous montre la permanence du temps, un monde multi-séculaire, ordonné par Dieu, auquel Abdellah et son père se soumettent, aux prises avec une mystérieuse menace venant du ciel. Cauchemars, divagations, inventions, délires ? La cinéaste ne donne pas de réponse. Toujours est-il, qu’elle, par sa mise en scène et l’idée qu’elle instille de la fragilité de notre monde, nous étonne et nous trouble, autant par la beauté formelle qu’elle a donné à son métrage, que par la fable sans de véritable morale qu’elle nous offre.

 

Accessible gratuitement sur la plateforme France TV jusqu’au 17 mars

Titre original : Qu'importe que les bêtes meurent

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Durée : 23 mn


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