Pingpong

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Pingpong s´inscrit dans une tendance > du jeune cinéma contemporain allemand, héritant de ses qualités tout en montrant aussi clairement ses limites. C´est un film qui se veut anti-spectaculaire, sobre, dépouillé de tout effet, enraciné dans un scénario lourd où le poids de l´existence humaine, le destin, la culpabilité, la honte sont appelés à remplir […]

Pingpong s´inscrit dans une tendance << auteuriste >> du jeune cinéma contemporain allemand, héritant de ses qualités tout en montrant aussi clairement ses limites. C´est un film qui se veut anti-spectaculaire, sobre, dépouillé de tout effet, enraciné dans un scénario lourd où le poids de l´existence humaine, le destin, la culpabilité, la honte sont appelés à remplir des vies autrement anodines, captées dans un moment quelconque des vacances d´été. La dramaturgie peine à se débarrasser d´une écriture théâtrale et surchargée, dont les principes remontent à Aristote : unité des lieux, d´action et (presque) de temps.

Le récit se déroule intégralement dans une villa de la campagne allemande. Ce décor participe à la dramatisation des faits, étant tout à la fois signe et symbole de la condition sociale de la famille qui y habite : riche mais pas luxueux, il est le miroir d´une famille bourgeoise autrefois heureuse mais qui a oublié le temps doré où il était encore possible de se baigner dans la piscine aujourd´hui abandonnée. Les personnes qui y vivent sont dessinées avec peu de traits essentiels : privées de complexité psychologique et de contradictions, tourmentées par des sentiments aussi énormes qu´invraisemblables, ils nous apparaissent moins comme des êtres humains que des personnages. Chacun est enfermé dans son rôle. Anna, femme sévère d´une ancienne beauté, vit dans sa boule de cristal, seulement soucieuse de son gros chien Shumann à qui elle apporte une affection maladive. Certes encore désirable, sa féminité se fane sous le poids des années et du mariage avec Stefan qui lui, au contraire, est complètement privé de personnalité. Il est seulement utile au hors champ (où il se trouve relégué pour la plupart du temps) ; on ne peut pas toutefois pas contester le rôle symbolique qu´il tient : c´est le Père et le Mari. C´est sa présence qui confère aux actes des autres personnages une tâche d´immoralité et de culpabilité, offrant par cette occasion au film une dimension tragique. La catastrophe de leur vie de couple pèse sur les épaules de leur fils Robert : jeune adolescent retardé, précocement alcoolisé, il est anéanti par la frustration de sa mère, qui reverse sur lui son envie de revanche en voulant faire de lui ce qu´elle n´a jamais réussi à être : un pianiste réputé (ressort scénaristique, au passage, pas vraiment original).

Le récit commence au premier plan avec l´arrivé de Paul devant la villa (le jeune neveu avec les cheveux sauvages, le regard troublé, et le passé obscur) et se délie au deuxième plan quand on voit Anna prendre le soleil dans le jardin avec son haut de maillot de bain délacé : jeu sur les espaces et les plans hautement figuratif. L´attraction sexuelle fait irruption entre les deux personnages et croit au fur et à mesure de l´intrigue, jusqu´à les emporter dans la spirale du vice. Le destin qui pèse sur les actes humains, comme dans les tragédies de Sophocle, nous conduit jusqu´au point de non retour, après lequel la liberté humaine devra forcement se confronter à l´ordre social et moral. La pulsion de nature sexuelle, longtemps latente, ne peut s´empêcher d´exploser, comme Freud le prescrit. Mais la tension qu´elle provoque, une fois l´apogée atteinte, commence lentement à descendre. La piscine que Paul était en train de reconstruire, métaphore de l´unité familiale qui devait se recomposer, ne peut alors que se transformer en lieu de mort, aussi bien physique qu´affectif (le dénouement résonne comme la mise à mort, sur fond de vengeance, des rapports bestiaux entre les deux protagonistes).

La mise en scène joue, avec une certaine maîtrise, à construire la tension en découpant l´espace et en organisant l´action de façon à ce que notre perception soit toujours incertaine. Matthias Luthard fait en sorte de nous cacher constamment des angles, des personnages, des regards pour nous plonger dans une atmosphère troublante en immergeant ses images dans une lumière oscillant entre le gris du ciel et le verdâtre de la végétation opprimante qui entoure la maison. La caméra n´hésite pas non plus à s´approcher des personnages pour capter sur leurs visages ou dans leurs gestes des indices, des signes de cette tension omniprésente. Chaque acte devient alors suspect, à chaque moment peut surgir du hors champs un regard auquel on ne s´attendait pas, qui nous surprenne à observer avec complicité les allusions cachées dans les moindres gestes : un verre de milk shake offert par Anna à Paul, l´attention d´une femme qui soigne une blessure,…

La table de ping-pong (lieu où les tensions qui relient et éloignent les protagonistes deviennent visibles) trace les limites de ces histoires et en même temps représente bien le film : on y assiste à des petits échanges de balle sur une surface qui, au fond, reste très limitée.
Pingpong est en effet une oeuvre dans laquelle la recherche constante d´une portée universelle, rythmée au son du piano classique, se heurte à la banalité d´un quotidien représenté, au moins en apparence, de façon assez naturaliste. Le film perd ainsi de son souffle, nous laissant la sensation d´avoir assisté au récit surchargé d´un fait divers un peu sombre et sans un grand intérêt.

Titre original : Pingpong

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Durée : 89 mn


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