Jennifer est une jeune coiffeuse célibataire pleine de vie et de charme, mère d’un petit garçon, et qui n’oublie pas de se faire coquette pour rester femme. Sa vie semble creuse et superficielle, et c’est justement la question du sens qui guidera son parcours tout au long du film. Elle a fait de la relation à son enfant le sens de sa vie, pour se protéger elle avant toute chose. S’investir dans la relation à Clément, réinvestir sa vie amoureuse, est une chose grisante mais dangereuse, qu’il est inconcevable de décider sur un coup de tête (ou plutôt un coup de cœur). Cette relation ne peut donner du sens à sa vie qu’à condition d’être durable et rassurante. Donner du sens à cette relation, revient à y mettre toutes les conditions et les sécurités nécessaires.
Mais progressivement, le récit change de ton et prend de l’épaisseur. La rupture intervient quand l’inégalité sociale et culturelle, dressée de manière trop superficielle dans la première partie du film, se fait inégalité des sentiments. Ce changement de barycentre met en valeur des personnages dont on ne soupçonnait pas la profondeur, dévoilant leur fragilité, sublimant leurs failles. Le film gagne en justesse, en finesse et en puissance émotionnelle. Pas son genre, ce n’est pas un conte de fée à l’eau de rose sur fond de Bienvenue chez les Ch’tis (Dany Boon, 2008), mais bien le récit d’une histoire d’amour condamnée dès le départ à n’être qu’une parenthèse, qui laissera plus de traces douloureuses qu’elle n’aura fait de bien.
Jennifer et Clément partaient de trop loin. Il faut dire que notre intello n’a jamais pu s’engager, il aime plaire, mais les histoires d’amour, ce n’est pas son truc. La petite coiffeuse voyait en lui le prince charmant, elle se donne toute entière à lui, mais lui ne donne rien. Il n’a rien à donner, non pas qu’il ne l’aime pas, mais il ne sait pas donner. Le mutisme du bel amant la renvoie avec violence à tous ses complexes, tandis que les exigences sourdes de la jolie maîtresse lui rappellent avec insistance son incapacité à rendre les femmes heureuses. Il n’a jamais eu l’intention d’aller plus loin, tandis qu’elle a l’impression d’être allée trop loin. Au-delà des sentiments, il y a bien cette question primitive de l’ordre de la survie qui les anime tous les deux.