Mr Smith au Sénat est une petite perle rare, un cocktail de douceur qui porte la griffe de Capra. Tel un bon vin, avec les années il s’est bonifié!
Depuis des mois on n’entend parler que de ça. Cela est somme toute bien normal, puisque le monde s’apprête à se doter d’un nouveau président… Avant nous et avant tout, le cinéma, petite lucarne sociologique, s’est emparé de ce vaste et complexe sujet qu’est le monde politique, mettant certains de ses acteurs sur le devant de la scène. À l’aube de la seconde guerre mondiale, Frank Capra brosse le portrait des politiciens américains dans un film qui fit (presque) scandale à l’époque : Mr Smith au Sénat. Pour preuve, la première projection du film (le 17 octobre 1939), se déroule en présence de près de 4000 personnalités politiques du pays. Quel film pourrait se targuer d’en rassembler autant, à notre époque ? Même en 1939, cela fait beaucoup de monde. On en vient ainsi assez facilement à se poser la question suivante : qu’est-ce qui fait bouger les politiciens? La réponse est somme toute d’une évidence redoutable : ce sont eux. Oui. Eux-mêmes. Ou au moins leur réputation. En effet, Mr Smith au Sénat, bien avant sa sortie, jouit déjà d’une aura solide de « fauteur de trouble ». Au point de semer la terreur à Hollywood : les producteurs ont si peur de potentielles mesures de rétorsion, qu’ils demandent, par le biais du président de la M.G.M., Louis B. Mayer, d’aller voir Harry Cohn, président de la Columbia et producteur de films, de retirer ce pamphlet cinématographique en échange de 2 millions de dollars. Même l’Ambassadeur de Londres, Joseph P. Kennedy (le papa du futur président assassiné…) tentera de faire interdire le film dans le monde entier afin de préserver la réputation de l’Amérique. Heureusement il reste, en ces temps-là, encore quelques honnêtes gens sur cette planète : le film sera exploité normalement avec le succès et les recettes (4 millions de dollars, soit le double du coût du film) que l’on sait. Mais que peut-il bien se passer pendant deux heures et des poussières, au point de soulever autant les énergies politiciennes ? En fait, Mr Smith au Sénat est considéré comme une « oeuvre subversive» qui discrédite – aux yeux des électeurs, soyons clairs…- l’intégrité et la respectabilité sénatoriales, tout en remettant en cause, par ailleurs, l’indépendance de la presse. L’histoire : à la suite du décès d’un sénateur, c’est le jeune et naïf Jefferson Smith qui est choisi par ses futurs collègues. Ces derniers (quelques uns en tous les cas…), veulent absolument faire passer une réforme qui leur rapportera beaucoup d’argent, à titre personnel. D’où ce choix, qui leur paraît judicieux, d’un sénateur qui, à priori, ne fera pas de vagues et votera la réforme sans sourciller. Comme on peut s’en douter, rien ne se passera comme prévu…
Marquant les débuts de l’engagement politique du réalisateur, Mr Smith au Sénat constitue par ailleurs un essai réussi dans l’ébauche de ce qui sera plus tard le personnage capraïen. James Stewart interprète à la perfection le jeune Jefferson Smith, naïf et maladroit, utopiste et enfantin. Sa particularité (comme celle, par la suite, d’autres personnages chez Capra, dans L’homme de la rue de 1941 ou encore La vie est belle de 1946), est de se retrouver seul face au monde (aux autres?). Ici, il s’agit de se battre contre toute une machinerie politique qui subsiste dans la corruption et le mensonge. Faire face à l’adversité tout en gardant son intégrité, telle est la mission de notre héros. Pas facile dès lors, de faire passer ses intimes convictions (qui ici sont tout à fait louables!) devant et contre ces requins du Sénat. Très vite, le sénateur Paine, son mentor (qui plus est : vieil ami de Smith père), ira jusqu’à envoyer sa fille Susan Paine flirter avec Smith, afin d’éviter que ce dernier ne se trouve au Sénat au « mauvais » moment. Smith est certes un jeune homme romantique… ce qui ne signifie pas idiot !
C’est à cet instant qu’une deuxième femme intervient. Excédée par les malversations, fatiguée des corruptions, et aussi un peu amoureuse de son patron, Clarissa Saunders, assistante de son état, se métamorphosera en coach de Smith. Ce dernier réussit à prendre, et surtout à garder, la parole pendant presque 24 heures dans l’enceinte du Sénat. Son but ? Prouver par sa détermination sa bonne foi. En secret, certainement, espère-t-il faire craquer un des sénateurs qui avouerait, enfin, toute la vérité, rien que la vérité. D’un point de vue purement cinématographique, cet interminable monologue est une véritable prouesse. La fatigue de Smith se fait grandissante, elle transpire sur l’écran. La légende dit que sur le tournage, du mercure était donné à James Stewart afin de rendre sa voix rauque. Un moment de cinéma intense et merveilleusement épuisant !
Frank Capra est avant tout un réalisateur optimiste (trop peut-être? ce qui ne peut constituer un défaut en soi…), à qui on a souvent reproché le versant « guimauve » de ses films. Mais on ne peut le blâmer : en temps de crise, un peu d’humour et de détachement ne font jamais de mal. Surtout que Capra s’attaque ici à un sujet complexe (à un secret de polichinelle en fait…), et sort les fantômes du placard. Le désespoir de ce film est aussi sa force : parce que, même de nos jours, son sujet reste pathétiquement contemporain. Presque 70 ans se sont écoulés depuis la première projection de Mr Smith au Sénat… Abstenons nous de tout bilan, le cinéma est (aussi) le reflet d’une époque. Celle de Capra… Celle des autres… Demeurons dans notre présent en compagnie de ces images du passé.
Autopsie grinçante de la « dolce vita » d’une top-modèle asséchée par ses relations avec des hommes influents, Darling chérie est une oeuvre générationnelle qui interroge sur les choix d’émancipation laissés à une gente féminine dans la dépendance d’une société sexiste. Au coeur du Londres branché des années 60, son ascension fulgurante, facilitée par un carriérisme décomplexé, va précipiter sa désespérance morale. Par la stylisation d’un microcosme superficiel, John Schlesinger brosse la satire sociale d’une époque effervescente en prélude au Blow-up d’Antonioni qui sortira l’année suivante en 1966.
En 1958, alors dans la phase de postproduction de son film et sous la pression des studios Universal qualifiant l’oeuvre de « provocatrice », Orson Welles, assiste, impuissant, à la refonte de sa mise en scène de La soif du mal. La puissance suggestive de ce qui constituera son « chant du cygne hollywoodien » a scellé définitivement son sort dans un bannissement virtuel. A sa sortie, les critiques n’ont pas su voir à quel point le cinéaste était visionnaire et en avance sur son temps. Ils jugent la mise en scène inaboutie et peu substantielle. En 1998, soit 40 ans plus tard et 13 ans après la disparition de son metteur en scène mythique, sur ses directives, une version longue sort qui restitue à la noirceur terminale de ce « pulp thriller » toute la démesure shakespearienne voulue par l’auteur. Réévaluation…
Lundi 7 juillet, au cours d’une cérémonie à la cinémathèque française, un long métrage et un court métrage se verront attribués le prix Jean Vigo, 2025. Wang Bing sera également récompensé pour l’ensemble de son œuvre.
L’anthologie du suspense et de l’humour orchestrée par Sir Alfred Hitchcock. 268 histoires courtes – dont un grand nombre d’inédits- à dévorer sans modération.