Mamá

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Toujours à l’affut de nouvelles têtes, une production Guillermo del Toro (L’Orphelinat, 2008 ; Les Yeux de Julia, 2010), ça se reconnaît : c’est un produit dérivé, souvent moins soigné, de ses propres réalisations (Le Labyrinthe de Pan, 2006), mais qui s’élève sans grand mal du lot commun de l’épouvante par un réel travail sur […]

Toujours à l’affut de nouvelles têtes, une production Guillermo del Toro (L’Orphelinat, 2008 ; Les Yeux de Julia, 2010), ça se reconnaît : c’est un produit dérivé, souvent moins soigné, de ses propres réalisations (Le Labyrinthe de Pan, 2006), mais qui s’élève sans grand mal du lot commun de l’épouvante par un réel travail sur le scénario et un goût, pas toujours très heureux mais prononcé, pour l’alliance entre onirisme et psychologisme. Cette première réalisation de l’argentin Andrés Muschietti, adapté d’un de ses propres courts métrages, n’y fait pas défaut et Jessica Chastain, à peine reconnaissable en rockeuse brune et tatouée propulsée en belle-mère improvisée, n’est pas le moindre des atouts du film. Après avoir tué leur mère qui lui refuse le droit de garde, un père kidnappe ses deux filles. Pression, stress et balade en forêt pour aboutir dans une charmante chaumière où il aurait sans doute mieux valu ne pas entrer. Retrouvées quelques années plus tard sauves et à moitié saines, les fillettes sont alors à la charge de leur oncle et de sa dark compagne (Chastain donc). D’étranges phénomènes, que les gamines attribuent à "Mamá", viennent perturber la famille.

Dans sa dimension traumatique, Mamá est assez réussi. Une bonne partie du film ne raconte rien d’autre que la puissance de l’imaginaire et de sa projection : la mystérieuse et dangereuse Mamá comme fantasme produit par les enfants pour se protéger durant leur abandon, une force qui les poursuit alors lorsqu’elles retrouvent un semblant d’équilibre. Ce n’est ni plus ni moins qu’un thème classique du conte : accepter de grandir et laisser l’ami imaginaire derrière soi. Lorsqu’il se situe à hauteur d’enfant, Mamá est assez touchant. Son symbolisme est beau, mais sa mise en œuvre horrifique est franchement ratée. D’abord parce que les séquences choc sont plus épouvantail qu’épouvante. Ces limites ont au moins le mérite d’offrir au film une séquence remarquable où, pour préserver le mystère et ne pas trop montrer Mamá, l’unique lumière provient du flash intermittent d’un appareil photo. Effet remarquable qui rappelle les installations de l’artiste américain Gary Hill (1) et aurait gagné à être radicalisé par un montage plus serré pour jouer à plein régime de la persistance rétinienne des images. Deuxième écueil : cette histoire tarabiscotée de fantômes peine à cadrer avec l’enjeu familial du film. Mamá hésite malheureusement trop entre le récit d’apprentissage qui lui tend les bras et le thriller vaguement horrifique qu’il a du mal à mener. Les deux se développent donc en parallèle, mais leur réunion finale laisse un goût d’inachevé. Ce qui est d’autant plus dommage que, si les apparitions surnaturelles du corps du film sont ratées, la stylisation extrême de la fin (évoquant éventuellement le magnifique Twixt de Coppola, 2012), s’éloignant du réalisme, est au contraire bien plus poétique. Mamá aurait peut-être dû suivre le conseil du médecin du film : accepter le réel et ne plus croire en ses fantasmes.

(1) Un exemple avec l’installation Reflex Chamber (1996). 


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