Adaptation original d’un livre
Un film d’animation empreint d’une grande sensibilité arrive dans le paysage du cinéma mondial avec des vignettes d’une belle qualité artistique. C’est un film fort et puissant, qui en dit presque plus que tous les documentaires qu’on a pu voir, ou non, sur l’Afghanistan. En co-écrivant le scénario du film avec Yaël Giovanna Lévy, la réalisatrice tchèque Michaela Pavlatova a choisi d’adapter pour l’écran le livre de la Tchèque, Petra Prochazkova, journaliste de guerre, célèbre dans son pays, notamment pour ses reportages en Afghanistan et en Tchétchénie. Ma famille afghane raconte une histoire d’amour et de malheur sur fond de guerre, d’attentats et de fanatisme à Kaboul dans les années 2001. Herra est une jeune femme d’origine tchèque qui rencontre Nazir à l’université à Prague et qui, par amour, décide de tout quitter pour le suivre en Afghanistan. C’est cette aventure étrange et inédite qu’elle raconte par des cartons à l’enluminure magnifique qui ne manque pas d’évoquer les miniatures persanes. Elle devient alors le témoin et l’actrice des bouleversements que sa nouvelle famille afghane vit au quotidien. En prêtant son regard de femme européenne, sur fond de différences culturelles et générationnelles, elle nous raconte aussi et son quotidien, et l’arrivée d’un enfant, Maad, dont elle va s’occuper à son tour comme pour apporter sa touche personnelle à cette boucle d’une grande sensibilité et d’une profonde perspicacité.
Description de l’intérieur
« Je condamne, tout comme Petra, les violences infligées aux femmes derrière les murs de leurs foyers et toute violation de leurs droits, déclare la réalisatrice dans le dossier de presse du film. Cette situation initiale des femmes afghanes, décrites dans le roman me met mal à l’aise, en tant qu’européenne, et me semble inacceptable et condamnable. Grâce à son regard singulier, Petra envisage ce monde de l’intérieur et témoigne d’une sensibilité palpable. » Hormis cette constatation un peu convenue et falote, on ne peut que souscrire à ce film surtout parce qu’il est écrit et réalisé avec une sorte de naturalisme qui obère toute culpabilisation, tout manichéisme contrairement aux propos de la réalisatrice qui n’a qu’une peur, c’est d’être accusée de proposer un portrait pas assez incisif du monde des talibans.
Ni brûlot, ni pamphlet
Mais bien sûr, il n’en est rien. Son film n’est pourtant pas un brûlot, ni un manifeste féministe, mais une fine description du quotidien de ces êtres humains qu’un régime aveugle force à vivre dans la violence et la soumission. Et le choix de l’animation y contribue largement ainsi que la réalisatrice le constate elle-même fort justement. « Dans le même temps, l’élégance des images, la possibilité de dépouiller les plans et d’aller à l’essentiel ont resserré l’intrigue et donné plus de force aux situations les plus cruciales. Je n’ai pas cherché à styliser l’image outre mesure, comme l’animation peut y inciter, mais j’ai utilisé les outils de ce moyen d’expression de manière naturelle, toujours au service de l’atmosphère et du récit. Je ne voulais surtout pas mettre en avant l’esthétique, mais, bien au contraire, faire en sorte que le spectateur oublie la forme pour s’attacher à l’histoire et aux personnages. »