L’Opinion publique (A woman of Paris)

Article écrit par

Dès le premier carton, Chaplin nous annonce qu’il ne joue pas dans A woman of Paris (en français L’Opinion publique). Son souhait est en fait de faire un « drame sérieux », d’où l’absence du personnage de Charlot. Nous sommes en 1923, et c’est le second long métrage du cinéaste après The Kid. Un tournant, […]

Dès le premier carton, Chaplin nous annonce qu’il ne joue pas dans A woman of Paris (en français L’Opinion publique). Son souhait est en fait de faire un « drame sérieux », d’où l’absence du personnage de Charlot. Nous sommes en 1923, et c’est le second long métrage du cinéaste après The Kid. Un tournant, assurément. Le film est encensé par la critique, mais boudé par le public, ce qui lui vaut aujourd’hui d’être très peu connu, tout du moins jusqu’à son exploitation commerciale sur support DVD. Chaplin en est pourtant éminemment fier et il en recomposera d’ailleurs la musique bien plus tard.

Marie et son amant Jean ont un rêve : quitter leur campagne pour rejoindre ensemble la ville pour vivre librement. Mais alors qu’ils sont sur le point de partir, Jean est contraint par la mort de son père à rester auprès de sa mère. Marie rejoint donc la ville seule.

Après le prélude de la fuite avortée des amants, A woman in Paris se présente est une sorte de comédie de mœurs. Bien des années plus tard, on retrouve Marie à Paris, où elle est devenue une femme du monde. Si le film se présente comme un tournant dans la carrière de Chaplin, c’est parce que l’on sent poindre une satire de la société, certes encore légère, mais qui par la suite ne cessera de se faire davantage précise et virulente (à commencer par le prochain film du réalisateur La Ruée vers l’or, 1925).
La bourgeoisie et son oisiveté, son opulence étouffante, son hypocrisie et ses manières ridicules sont ainsi tournées en dérision. Rien de profondément acerbe, pas de quoi choquer l’Amérique et la petite bourgeoisie, pas de grands discours désabusés, mais on sent clairement que Chaplin a franchi le pas, décidant de mettre un peu plus de profondeur dans ses films.

Puis les ressorts de la comédie de mœurs laissent place au drame. A Woman in Paris est peut-être avant tout un très beau portrait de femme. Marie en fait ne sait pas vraiment ce qu’elle veut, perdue entre son désir d’une vie simple (un foyer, des enfants, un mari aimant) et son goût pour la folle vie nocturne parisienne. Les paillettes de la nuit parisienne sont grisantes, difficiles de leur résister. Elle semble avoir fait table rase du passé, si bien que la « pourriture » bourgeoise l’a gagnée. Elle est devenue une parvenue comme bien d’autres, oisive, entretenue par son amant, superficielle et égocentrée.

Un dénouement tragique se fait sentir. Le drame est émouvant, gonflé par le sursaut d’humanité de l’héroïne. Les dernières séquences résonnent comme un éloge à la simplicité qui elle seule véhicule les sentiments vrais.

A Woman in Paris n’est donc pas le film le plus émouvant, encore moins le plus marquant, de Chaplin. Mais c’est une œuvre importante dans la filmographie du cinéaste qui n’est pas présent devant la caméra, mais qui se fait sentir derrière chaque personnage.

Titre original : A woman of Paris

Réalisateur :

Acteurs : , , , , , ,

Année :

Genre :

Durée : 85 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Journal intime

Journal intime

Adapté librement du roman de Vasco Pratolini, « Cronaca familiare » (chronique familiale), « Journal intime » est considéré à juste titre par la critique comme le chef d’œuvre superlatif de Zurlini. Par une purge émotionnelle, le cinéaste par excellence du sentiment rentré décante une relation fraternelle et en crève l’abcès mortifère.

Été violent

Été violent

« Eté violent » est le fruit d’une maturité filmique. Affublé d’une réputation de cinéaste difficilement malléable, Zurlini traverse des périodes tempétueuses où son travail n’est pas reconnu à sa juste valeur. Cet été
violent est le produit d’un hiatus de trois ans. Le film traite d’une année-charnière qui voit la chute du fascisme tandis que les bouleversements socio-politiques qui s’ensuivent dans la péninsule transalpine condensent une imagerie qui fait sa richesse.

Le Désert des tartares

Le Désert des tartares

Antithèse du drame épique dans son refus du spectaculaire, « Le désert des Tartares » apparaît comme une œuvre à combustion lente, chant du cygne de Valerio Zurlini dans son adaptation du roman éponyme de Dino Buzzati. Mélodrame de l’étiquette militaire, le film offre un écrin visuel grandiose à la lancinante déshumanisation qui s’y joue ; donnant corps à l’abstraction surréaliste de Buzzati.