Pour trouver du travail, Mouno, Dirad, bref, Kad Merad, a dû s’arranger avec la vérité pour trouver du boulot malgré ses parents parfaitement intégrés, sa nana, sa jolie sœur fonctionnaire, et sa belle-sœur Geneviève. Attention : ce "bienvenue chez les musulmans" est moins exotique que son homologue ch’ti ! On n’est pas encore assez audacieux pour rire de tout, surtout en pleine polémique sur la burqa. C’est pourquoi, lorsque Mourad rentre chez lui, on assiste à une adorable réunion de famille ensoleillée comme de l’huile d’olive Puget, qui tourne au vinaigre quand papa Ben Saoud succombe à une attaque cardiaque en plein "moment Nutella". Nous pouvons bien nous permettre cette page de publicité : le film entier est tourné comme la réclame pour une banque populaire… voire une commande du ministère de l’Identité Nationale.
Le quiproquo schizophrénique s’englue dans la guimauve. Depuis son bain de chewing-gum, monsieur Pivert est dépité : on songe avec nostalgie à l’unanimiste mais joyeusement tapageur Rabbi Jacob où, dans le respect le plus total de la diversité, tout le monde en prenait pour son grade. Ici, trop de respect tue le respect : atrophie des gestes, muselage des débordements, flicage du ridicule. Guillaume Gallienne, l’ami juif et peintre gentil – oui, c’est un paradis – en cartes d’identités, et un "Couscous un jour, couscous toujours" lancé à la cantonade ne suffiront pas à nous donner la patate. Nouvel avertissement : cette comédie est sérieuse. Dieu sait qu’une patate n’a jamais remplacé un cerveau. Bon élève, Olivier Baroux souhaite nous faire méditer sur nos préjugés. Il n’investit pas au hasard dans quelques définitions du dictionnaire des ablutions pour les nuls, très didactiquement et littéralement retranscrites à l’écran les premiers jours du jeûne.
Admettons que la comédie lorgne parfois vers le drame social. Quand Kad Merad s’irrite, on est loin de s’étonner de la furie électrique d’un Louis de Funès. Quand Kad Merad est triste, on est loin de s’émouvoir des maladresses irrésistibles d’un Bourvil. On peut trouver de très mauvaise foi la comparaison avec deux géants français de la comédie sixties. On peut aussi simplement regretter que le fleuron omniprésent de la comédie française soit aussi fade. Le promu chouchou Kad Merad reste sage comme une image. Tout arrive au bon moment, la pluie quand ça ne va pas, le coucher de soleil en tête à tête. La fin – rédemptrice – aussi. Maman Ben Saoud, évoquant l’immigration avec amertume, résume à elle seule tout le film : "On avait compris qu’on nous demandait pas de nous intégrer, mais de ne pas déranger".