Les Sept samouraïs (Shichinin no samurai)

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Les Sept samouraïs est incontestablement le film le plus connu d’Akira Kurosawa, succès commercial et critique oblige. La version originale dure plus de 200 minutes. Les dirigeants de la Toho, la compagnie de production – distribution de Kurosawa, estimaient qu’une telle longueur était de nature à repousser les spectateurs. De la version longue ils firent […]

Les Sept samouraïs est incontestablement le film le plus connu d’Akira Kurosawa, succès commercial et critique oblige. La version originale dure plus de 200 minutes. Les dirigeants de la Toho, la compagnie de production – distribution de Kurosawa, estimaient qu’une telle longueur était de nature à repousser les spectateurs. De la version longue ils firent une version courte de 160 minutes pour les salles japonaises, de 130 minutes pour l’exportation. Cette version courte fera l’objet du célèbre remake américain, Les Sept mercenaires (mis en scène par John Sturges). Un western d’excellente facture, qui rend bien compte de l’aspect « film d’action épique » des Sept samouraïs. Mais le fait est que la Toho, en réduisant la longueur du film, a détruit la portée et la densité de l’original. Car si Kurosawa a toujours su nous divertir, il n’est pas un de ses films qui ne proposent, en parallèle, une réflexion de fond. L’œuvre du cinéaste est marquée par la permanence de certains thèmes à laquelle Les Sept samouraïs n’échappe pas.

Quatre paysans ont été désignés pour aller en ville afin de recruter des samouraïs. Mais ils sont pauvres, et n’ont que du riz à offrir aux samouraïs en guise de salaire. Ils sont la risée de tous. Pourtant, le riz est la matière la plus précieuse qu’ils détiennent : en offrant leur riz, ils s’obligent à manger eux-mêmes du millet. Il leur faudra trouver des samouraïs nobles d’esprit qui prennent conscience de leur sacrifice : « Je comprends. Et j’accepte votre sacrifice », dira Kambei. A travers deux ou trois scènes fort émouvantes, on comprend que c’est la compassion et le respect pour ce sacrifice qui incitent les sept guerriers à prendre part à cette aventure sans gloire ni fortune.

Le film dresse également une analyse assez subtile des classes sociales. Dès l’arrivée des samouraïs au village, apparaît un paradoxe : les paysans ont une admiration, une reconnaissance et un respect profonds pour les samouraïs ; mais ils ne peuvent pas non plus s’empêcher de les craindre et de s’en méfier (l’un des paysans obligera sa fille à se faire passer pour un garçon de peur que celle-ci séduise un samouraï). Pour sauver le village, il faudra absolument dépasser cette « incompatibilité sociale ».
Un rapprochement a bel et bien lieu, les paysans apprennent à mieux connaître les samouraïs, et ceux-ci commencent à mesurer tout le poids de souffrance contenu dans chaque grain de riz. Mais attention, ce rapprochement n’est que forcé par les circonstances : comme le prouve l’histoire d’amour avortée entre le jeune samouraï Kikuchiyo et la jolie paysanne, une certaine distance existera toujours : samouraïs et paysans ne sont définitivement pas du même monde…

Dans la version originale, en outre, les samouraïs font chacun l’objet d’une description précise. Kambei est le sage du groupe ; c’est lui le premier qui perçoit la noblesse de ces paysans. Kyozo, par sa dextérité, son sens de l’honneur et son goût de l’action, incarne l’idéal du samouraï. Kikuchiyo, le samouraï paysan, aura une place privilégiée car il impulsera le rapprochement entre samouraïs et paysans. Une séquence est particulièrement marquante : les samouraïs sont en train de réfléchir à la défense du village quand arrivent quelques paysans ; ils viennent faire don de quelques armes. On comprend bien vite qu’elles ont été dérobées à des samouraïs morts. « Et nous qui sommes ici pour défendre ces assassins ! Mieux vaudrait les tuer ! », s’exclame un samouraï. Kikichiyo prend alors la parole pour un vibrant plaidoyer en faveur des paysans : « Quand ils sentent venir la bataille, ces animaux fourbes et déloyaux se mettent en chasse des blessés et des vaincus ! […] Mais qui en a fait des animaux ? Vous tous, damnés samouraïs ! Chaque fois que vous combattez, vous brûlez les villages, vous détruisez les récoltes, vous emportez la nourriture, vous violez les femmes et prenez les hommes comme esclaves ! ». Voilà la meilleure réponse que l’on peut adresser à ceux qui, à l’époque, ont reproché à Kurosawa de donner une image schématique du rapport entre classes sociales et une vision idéalisée des samouraïs.

Enfin, on perçoit très vite la présence du thème de l’initiation. Il se joue en effet à trois niveaux. Tout d’abord à l’intérieur du groupe des sept samouraïs : Katsushiro, le très sympathique apprenti samouraï, apprendra ce qu’est un vrai samouraï grâce à l’expérience de Kambei, le guide, et de Kyozo, le maître. Ensuite, les samouraïs, et c’est là l’initiation la plus évidente, apprendront aux paysans à se battre, et à faire face à l’horreur de la guerre. Mais la relation d’apprentissage la plus subtile est celle qui voit les samouraïs eux-mêmes prendre de véritables leçons d’humanité et de courage de la part des paysans. A la dure école de la vie, les samouraïs sont les élèves et les paysans les maîtres. Au final, comme le reconnaît lui-même Kambei, ce sont bien les paysans les vrais vainqueurs de la guerre…

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