Les Météorites

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Nina et les météores.

Un premier film solaire

Après trois courts-métrages, voici le premier long du jeune Biterrois qui, après la production de clips de rap, entre à la Fémis en 2009. Il y rencontre Charles Philippe et Lucile Ric, jeunes producteurs qui l’aident à réaliser ses courts-métrages. Le cinéma français a fait connaître nombre de jeunes talents en 2018 et il continuera sans doute en 2019. Romain Laguna est retourné dans sa région d’origine pour écrire et réaliser Les météorites qui raconte l’histoire de Nina, 16 ans. De par son ambiance méditerranéenne et ses images solaires plutôt réussies, dues à Aurélien Marra, ce premier film fait écho à celui d’Elsa Diringer, Luna, sorti en 2017. Cette proximité est si évidente qu’on en vient à se demander si le cinéma français arrivera un jour, contrairement au cinéma italien actuel en pleine créativité, à sortir de l’ornière, oscillant sans cesse entre la grosse comédie un peu niaiseuse et le cinéma social trouble et quelque peu misérabiliste. Sans doute est-ce la faute des producteurs qui obéissent à des cahiers des charges.

 

Film de jeunesse sur la jeunesse

Ceci dit, et malgré un certain manque d’originalité, le premier film de Romain Laguna ne mérite aucune opprobre : il est bien interprété et les deux acteurs principaux sont étonnants de naturel et de réalisme, surtout la jeune Nina que la caméra ne perd pas de vue une seule seconde. D’où le choix d’une image au 4/3. Elle habite tout le film à la manière de Sandrine Bonnaire dans le film de Maurice Pialat, A nos amours (1983) qui est d’ailleurs, avec Nowhere de Gregg Araki (1997), le film référentiel du jeune cinéaste . C’est d’ailleurs bien ce qui fait à la fois le charme et le défaut de ce genre de cinéma qui tend à diluer plus ou moins la distance entre réel et fiction. C’est un peu d’ailleurs ce que l’on trouve aussi dans un récent film italien, Frères de sang (Diamano et Fabio d’Innocenzo, 2018), mais il est vrai que le thème de la mafia est tellement plus cinématographique que l’ennui car c’est de cela que souffre, entre autres, Nina dans son petit village entre son copain Alex qu’elle n’aime pas vraiment, sa mère hippie sur le retour et le Parc d’attraction avec des dinosaures où elle arrive toujours en retard.

 

 

Météorite comme métaphore

Le film, écrit avec l’aide du scénariste Salvatore Lista qui va mettre le film sur orbite, se décompose en trois parties harmonieuses dans une sorte de teen-movie d’où les adultes sont quasiment exclus, ou quasi fantomatiques : à peine si l’on voit la maman de Nina, et le père d’Alex n’apparaît qu’une seule fois, en maître des vendanges. C’est comme si le monde était entièrement entre les mains des enfants et des adolescents qui, chacun à sa façon, tenterait de comprendre et de s’approprier le monde. Si Morad a plus ou moins choisi le trafic de drogue, sa sœur Djamila a choisi la sagesse, le travail et le voile. Quant à Nina, superbe Zéa Duprez que le réalisateur a rencontrée dans un concert de rap à Sète à deux mois du tournage, elle décide que sa vie doit changer depuis qu’elle a vu passer une météorite, que personne d’autre qu’elle n’a vue. C’est pourquoi elle va penser que Morad qu’elle rencontre par hasard, parce qu’il est le frère débauché de la sage Djamila, est son grand amour. Jusqu’au moment où il sortira de sa vie aussi vite et brutalement qu’il était apparu, en fait comme une comète. Du genre de celle qui aurait détruit les dinosaures dont le parc d’attraction où travaille Nina – et qui existe vraiment – continue à célébrer la magnificence.

Trouver un sens à sa vie

La troisième partie qui clôt le film raconte finalement le retour à la solitude de Nina qui va partir explorer la montagne sur les traces de cette météorite. La découverte du cratère qu’elle aurait laissé la plonge dans une grande joie, alors que le spectateur aurait pu penser auparavant, à la voir si près des précipices, au suicide. Il n’en est rien et son regard radieux et reconnaissant vers la caméra à la manière de Cabiria dans le film de Federico Fellini, Les nuits de Cabiria (1957) laisse penser qu’elle a trouvé enfin un sens à sa vie. « A la fin, je crois que Nina trouve, déclare le réalisateur dans le dossier de presse du film, sinon un sens à sa vie, tout du moins quelque chose à quoi se raccrocher. »

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Durée : 85 mn


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