Le Sicilien, sortie DVD/BluRAY chez BQHL

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Au-delà de la légende, au delà des genres, un Michael Cimino injustement mal aimé.

De l’histoire du plus célèbre bandit sicilien Francesco Rosi a tiré l’un de ses plus saisissants films politiques; Salvatore Giuliano (1963), une enquête à la rugosité néo-réaliste qui prive de lumière son héros présumé (essentiellement  cantonné au hors-champ) pour portraiturer un pays rongé par la corruption et les compromissions. Vingt-cinq plus tardMichael Cimino adopte une démarche tout à fait opposée. À partir de cette personnalité controversée à la biographie parcellaire, Le Sicilien, (re)construit une légende, non pas pour célébrer l’homme mais pour faire honneur au riche spectacle que peut être le septième art. À l’instar de nombreux biopics dont l’issue a marqué notre Histoire (le film de Rosi n’y échappe pas), l’incipit  annonce la chronique d’une mort annoncée. une superbe scène crépusculaire Viscontienne, dont la volupté et l’étrangeté s’inspirent de Mort à Venise (Luchino Visconti, 1971). Dans un véhicule au pare-brise opaque, un homme traverse les rues fantomatiques de Palerme. le nom du défunt tagué sur les murs, son visage célébré sur des stèles sauvages et des affiches, la symphonie composée par David Mansfield magnifiant l’ouverture de cet opéra tragique.

Le tragique, toujours en embuscade -jusqu’à sa résurgence finale-, se voit alors éclipsé par des airs plus légers. Ceux de l’opéra bouffe avec ses personnages hauts-en couleur, ces bandits de grand chemin qui crient plus forts que les autres, qui tournent en ridicule les nantis, les politiciens, les carabiniers et la mafia. À leur tête, Giuliano se présente en Robin des bois siciliens. Bondissant, le sourire en permanence aux lèvres, Christophe Lambert prend les allures hautaines d’un ténor pour chanter les vertus de sa croisade. Choisi dès le début du projet par le réalisateur, critiqué par une partie de la critique butée sur un besoin de « crédibilité historique » , l’acteur français -starifié par  Greystoke, la légende de Tarzan (Hugh Hudson1984) et Highlander (Russel Mulcahy, 1986) -, est tout sauf une erreur de casting. Son jeu qui flirte malicieusement avec l’outrance -aussi bien dans l’humour que dans le sentimentalisme-, son charisme singulier, en font un superbe « mâle » Ciminien. Un anticonformiste ne sachant jamais dans quel camp exprimé son dégout des injustices, tiraillé en permanence par son trop plein de violence. Un archétype ambigu dont Clint Eastwood avait initialement endossé la carapace dans Le Canardeur (1974), et dans lequel s’épanouira totalement Mickey Rourke, quelques années  plus tard, dans L’année du dragon (1985) et La maison des otages (1990).

Avec l’Opéra, Cimino partage le désir de construire ses mouvements de foule comme des ballets. De longues et vastes séquences dans lesquelles les protagonistes se trouvent submergés par l’ampleur et la confusion des regroupements, dont ils sont tour à tour les instigateurs et les « jouets », comme dans « Les portes du paradis (1980) ». Dans Le sicilien, la dimension opératique se fait d’autant plus prégnante que les personnages secondaires, ainsi que ceux en arrière-plan (notamment pour la scène de la fusillade du premier mai), adoptent l’apparence (époque et lieu oblige) et les gesticulations des artistes d’opéra. Et, si un thème de Verdi participe au rapprochement entre les deux arts, c’est avec Cavalleria Rusticana  (célèbre opéra aux accents siciliens) que les parallèles prennent le plus de sens. Également écrit par Mario Puzzo, Le Parrain III (1990), dernier opus  de la trilogie de Copolla, reprendra à son compte la puissance évocatrice de ce même livret, puisque le fils de Michael, son interprète principal sera assassiné, à la suite de sa première représentation.

Son double échec, critique et public, Le Sicilien le doit en partie à son référencement « par nature »  dans le grand film de gangster Hollywoodien. Film de mafia, chute d’un caïd, parallèle avec l’histoire d’un pays;  vouloir se référer à la trilogie du Parrain ou à  Il était une fois l’Amérique (Sergio Leone, 1984) – pour ne citer que des monuments de cette même période hollywoodienne- est un prisme trompeur à plus d’un titre. Car, si Cimino, partage, entre autres, avec ces deux autres géants, un souffle épique sans commune mesure, il se distingue par des prises de risques des plus audacieuses. Les portes du paradis nayant heureusement pas condamné définitivement un tel artiste. Toujours en mesure,  avec le Sicilien, de composer un patchwork  flamboyant, dans lequel, sans jamais nier la violence des faits,  de superbes envolées lyriques succèdent à des épisodes burlesques.  Le public d’aujourd’hui, comme celui de l’époque, ne manquera pas de relever certaines scories  (l’italien aurait du être la langue utilisée), mais tout cela reste une goûte d’eau dans un tel océan de bonheur.

BLU-RAY/ DVD, réédition chez BQHL.

 

 

Titre original : The Sicilian

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Durée : 146 mn


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