Sorti la même année que Les Goonies et Retour vers le futur (Robert Zemeckis), Le Secret de la pyramide ne profite pas du même succès commercial d’autant qu’il apparaît en décalage avec les autres productions Amblin, davantage portées sur la science-fiction et le fantastique que le film en costumes. Pourtant, pour trouver une logique à ce virage old school, il faut sans doute chercher du côté de Spielberg qui à l’époque terminait Indiana Jones et le Temple maudit (1984), un épisode un peu clos sur lui-même mais particulièrement inspiré des serials des années 30 et de certains énormes décors exotiques des films d’aventures d’antan. Sous des allures un peu austères (cadre strict, anglais châtié…), on découvre peu à peu un hommage similaire à travers la secte de Rame Tep, qui comme celle du Temple Maudit, est adepte d’incantations, de drogues, de sacrifices humains et d’un décorum haut en couleur. Le film de Levinson se kaléidoscope ainsi au gré de ses références et nous permet de passer de l’univers british de Holmes à une mise en images délicieusement bis de la mythologie égyptienne, qui se montre extrêmement proche du projet de Spielberg avec Le Temple Maudit.
L’implication de ce dernier, accompagné à la production par le couple Marshall-Kennedy (véritables piliers de la Amblin), semble indéniable tant la construction du métrage et l’esprit général qui s’en dégage évoque tout le savoir-faire de Spielberg et de sa société de production en matière de divertissement. Barry Levinson, futur réalisateur de Rain Man (1988)et de Sleepers (1996), s’acquitte quant à lui d’une réalisation efficace, parvenant à jouer avec les changements brusques d’univers et les « coups de folie » du film, capable de nous emmener beaucoup plus loin que son pitch initial. Effectivement, Le Secret de la pyramide flirte fréquemment avec le fantastique sans jamais vraiment franchir le pas, mais distille quelques séquences bien tordues grâce au concept des hallucinations liées à la drogue utilisée comme arme par la secte de Rame Tep. Chaque personnage ou presque y passe, et doit ainsi affronter ses propres peurs au sein de séquences orchestrées bien sûr par ILM (Industrial Light and Magic) qui en profite pour tester à plus grande échelle des images de synthèse alors balbutiantes. En résulte un approfondissement intéressant de la psyché des personnages tout en offrant au spectateur une imagerie onirique inattendue et un rythme imprévisible mais soutenu.
Pourtant, malgré ses qualités indéniables qui font encore mouche aujourd’hui, Le Secret de la pyramide ne trouva pas son public en 1985, rompant ainsi la success story d’Amblin Entertainment (E.T., Steven Spielberg, 1982 ; Gremlins, Joe Dante, 1984 ; Retour vers le futur, Robert Zemeckis, 1985 ; Les Goonies) et annonçant le déclin progressif de la société. Moins vendeur certes, le film de Levinson reste un point culminant du film d’aventure et un modèle de narration et de pertinence cinématographique. À l’heure où l’on ne peut plus revisiter la mythologie grecque sans y insérer des Converse volantes ou des IPods pourfendeurs de Méduse (pour reprendre le pire avec Percy Jackson, Chris Columbus, 2010), Le Secret de la pyramide, une fois la dimension nostalgique dépassée, ne souffre guère de la comparaison avec la majorité des productions jeunesse actuelles et prouve que l’imaginaire déployé par Amblin (casting d’inconnus, cadre intemporel, inventivité constante, fragilité des personnages…) reste une référence majeure dans l’histoire du cinéma de divertissement.