Le cinéma transalpin va mieux, beaucoup mieux. Il faut faire attention de par chez nous car, avec notre prétention habituelle, on risque de se faire rafler la mise. Ferzan Ozpetek à qui on doit, entre autres, Hammam qui avait marqué les esprits, et pas seulement les esprits gays, revient avec une comédie à l’italienne qui va sans doute faire date, peut-être même devenir culte au moins dans les milieux homos. Détrônant les mamma mia et autres billevesées sirtaki et mer Méditerranée, rendant explicitement hommage à la comédie italienne façon Pain, amour et jalousie (Luigi Comencini, 1954) et même, sur certains aspects, à Ettore Scola, voici de quoi largement supplanter la toujours fringante Cage aux folles…
Pourtant, le thème de départ est simple, mais encore fallait-il y penser, puisqu’il s’agit du coming out qui hante maintenant nombre de scénarios. Mais ici, dans la famille Cantone, fabricant de pâtes de père en fils, ce n’est pas une sortie de placard, mais deux qui émaillent un scénario gai sans jeu de mots et plein de rebondissements. De plus, bâti comme une véritable comédie à l’italienne, le film nous plonge dans un burlesque qui nous rappelle certains bons vieux films, sans être ni pâle copie, ni opus réactionnaire. L’ambiance provinciale de la belle ville de Lecce dans les Pouilles rappelle bien sûr le portrait de Trévise que nous donnait en 1966 Pietro Germi dans Signore e Signori. D’ailleurs, Ferzan Ozpetek, en tant que réalisateur érudit et raffiné, ne s’en cache pas et se montre plutôt flatté de la comparaison.
Émaillé de chansons comme 50 mila de Nina Zilli ou Una notte a Napoli que Pink Martini a rendue célèbre, le film est aussi un hommage à la vie de province avec ses préjugés et ses rites, que la petite différence et ses grandes conséquences va tenter de faire exploser en morceaux. Différemment de La cage aux folles, par exemple, Le premier qui l’a dit bataille sur deux fronts : le dit et le non-dit, comme c’était le cas pour L’une chante et l’autre pas. Le fils qui a avoué son homosexualité s’est fait chasser de la maison familiale et a provoqué l’infarctus du pater familias, empêchant du coup le cadet d’avouer, pour sa part, son homosexualité jusqu’au jour où ses amis, des folles romaines, débarquent à l’improviste. Il n’en faut pas plus pour déclencher une comédie avec quiproquos et rebondissements nullement vulgaires (pas de Jet Set ou de Pédale douce à l’horizon !). Prenant exemple sur la rengaine qui nous susurrait dans les années 60 N’avoue jamais, Tommaso le benjamin ne dira jamais rien de ses orientations sexuelles à sa famille pour éviter que son père ne fasse une seconde attaque. Il n’aura, in fine, que le courage d’avouer son désir de devenir écrivain et de faire un peu comme Jules et Jim, qui sait ?
On aurait pu tirer un peu plus vers la commedia dell’arte, mais pourtant tout est parfait dans ce film finalement sans prétention, mais riche d’enseignements. D’autant que le scénario est assez labyrinthique, faisant se côtoyer dans le même espace temps, par de gracieux flashbacks, l’histoire d’amour contrariée, déjà, de la grand-mère paternelle de Tommaso. On pourrait voir surgir sans peine, au détour de ces images magnifiques et dans ces plans souvent virevoltants de manière experte, Alberto Sordi ou Marcello Mastroianni. Mais c’est surtout le beau visage de Riccardo Scamarcio, encore une découverte de Nos meilleures années, qu’on remarque. Forza Riccardo : décidément, tu as le vent en poupe parce que tu sais tout interpréter, émouvoir certes et maintenant faire rire, avec tes acolytes tous plus vrais que nature. Un carton prévisible au box office même si on déplore l’absence de Dalida dans la BO !