Tristesse de Watako
Pour son deuxième long-métrage, après Grown-Ups en 2022, le jeune Japonais Takuya Katô nous livre un film triste et élégant pour tenter de comprendre le deuil et la mort dans un pays où la retenue des sentiments est encore de mise. Le film raconte de manière feutrée et en demi-teinte la tristesse de Watako interprétée par la belle Mugi Kadowaki qu’on avait découverte dans Aristocrats. Difficile d’ailleurs de décrire ce qui traverse la période du deuil et la mélancolie, dont on a parfois du mal à expliquer en quoi elle consiste, la confondant parfois avec la tristesse ou la dépression. D’ailleurs, est-ce bien de la mélancolie que ressent la jolie Watako à la mort de l’homme qu’elle déclare à un moment donné du film être l’homme de sa vie ?
Détachement ou mélancolie ?
Et cette mélancolie, loin de venir de son impossibilité à raconter et à revivre la mort de son amant, ne viendrait-elle pas plutôt de son retour dans le foyer conjugal. C’est toutes ces questions légitimes que le spectateur pourrait se poser à la sortie du film, et bien d’autres en plus. Le réalisateur propose un début de réponse dans le dossier de presse du film en déclarant : « Quand j’ai imaginé le personnage de Watako, j’ai pensé que si elle faisait preuve d’un tel détachement, c’était par crainte d’être blessée. Ouvrir les vannes des sentiments signifierait pour elle devoir faire face à la profondeur de sa blessure. C’est de cela dont elle souhaite se protéger. La question que j’avais envie de traiter à travers ce film est la question de la responsabilité, le fait de se sentir concerné ou non par les événements que l’on vit. »
Deuil ou folie ?
Mais alors, en quoi est-ce cette mélancolie qui, en Europe au XIXe siècle, passait pour une sorte de maladie, de trouble nerveux comme on disait alors. Il est vrai, du reste, que le comportement de Watako, à la fois dans ses déambulations seule ou avec son amie, et dans ses relations compliquées avec son mari, pourrait apparaître comme une personne torturée, à la limite d’une sorte de folie discrète. Femme qu’on pourrait trouver dans un roman psychologique du XIXe siècle, ou dans le cinéma d’Eric Rohmer, ou encore dans celui de Marguerite Duras, Watako, la désœuvrée, pourrait passer pour une sorte de folle qui ne peut dire les mots de l’amour, ni ceux de la mort, du chagrin et de la solitude. « Si tu te tais, on ne va jamais s’en sortir », lui dit un jour son mari qui tente d’avoir une emprise sur elle, et cette conversation au cœur du film ne la fera pas changer car, au Japon, tout est dans le retenu : sentiments, mots, disputes et même la mise en scène du film lui-même, conçue non comme un lamento mais comme un portrait en creux, sobre, discret et d’une grande finesse. En effet comment dire son malheur dans un pays aussi réservé que le Japon ? Comment Watako va-t-elle surmonter ce drame pour se détacher du sensible car il ne faut pas oublier que le titre orignal du film signifie « se défaire », « se démêler » et non mélancolie ?